La montagne d’Îgîlîz et le pays des Arghen. Rapport 2017
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La montagne d’Îgîlîz et le pays des Arghen. Rapport 2017

Par Jean-Pierre Van Staëvel, Abdallah Fili et Ahmed Ettahiri ·

Placée sous la responsabilité scientifique de Jean-Pierre Van Staëvel (Université Paris-Sorbonne ; UMR 8167, Paris), Abdallah Fili (Université Chouaïb Doukkali, El Jadida ; UMR 5648, Lyon) et Ahmad S. Ettahiri (Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine, Rabat), la mission archéologique franco-marocaine à Îgîlîz a réuni, du 3 avril au 1er mai 2017, treize enseignants-chercheurs et/ou archéologues marocains et français, statutaires ou chercheurs associés, pour des durées variables allant de deux semaines à la totalité de la campagne. Fidèle à ses objectifs prioritaires de formation, la mission a en outre accueilli et encadré deux étudiants/doctorants marocains et trois étudiants/doctorants français.

La campagne de terrain du printemps 2017 a permis la poursuite des activités de fouille sur deux secteurs de la montagne d’Îgîlîz. Elle a confirmé la longue durée de l’occupation des maisons situées près de l’entrée principale de celle-ci (section 1) et l’intérêt présenté par le secteur d’activités métallurgiques situé en contrebas de l’acropole (section 2). Elle a également considérablement étendu les travaux de prospection, désormais plus systématiques et dotés de moyens techniques —notamment drone et GPS différentiel— adéquats (section 3).  Le volet formation de la mission (section 4) enregistre cette année, avec l’inscription en thèse d’une doctorante marocaine travaillant sur la céramique domestique, l’aboutissement d’un long processus débuté en 2010, avec la formation initiale des étudiants de l’INSAP en cours de spécialisation dans le champ de l’archéologie islamique. Enfin, l’année 2017 aura permis d’avancer de manière décisive dans la préparation de la première monographie dédiée au site (section 5).

Les fouilles du secteur de la « grande demeure » en zone 1 : vers une histoire plus complexe du site

Epicentre d’une révolution religieuse, foyer d’un puissant mouvement tribal, point de départ d’une expansion militaire qui devait culminer avec la constitution d’un califat aux prétentions universalistes et d’un empire méditerranéen, le site d’Îgîlîz occupe une place à part dans l’histoire médiévale du Maroc et du Maghreb tout entier. Son étude archéologique permet de relire d’une autre manière les débuts de cette réforme religieuse sans précédent. L’ambition qui sous-tend la fouille de la montagne d’Îgîlîz depuis ses débuts place au cœur de son raisonnement l’analyse critique des matériaux historiographiques légués à la postérité par les thuriféraires du régime almohade, entre l’instauration du nouveau régime au milieu du XIIe siècle, et sa chute finale en 1269. La mission entend donc retrouver, au-delà de cette construction historiographique —qui s’apparente peut-être davantage, en ce cas, à la production d’un véritable « mythe » officiel—, les strates les plus anciennes de ce bouleversement majeur qu’a connu l’histoire du Maroc médiéval et celle, par voie de conséquence, du Maghreb tout entier. L’objectif de la mission est double, puisqu’il s’agit de restituer le cadre matériel de la genèse d’un mouvement religieux complexe et atypique, et de tenter de révéler le fait tribal sous la construction impériale, ainsi que les fondements culturels berbères sous le vernis des témoignages historiques rédigés a posteriori par des auteurs arabes.

Pendant longtemps, il a été difficile de mettre en évidence sur le site d’Îgîlîz, notamment dans le dense tissu bâti de l’acropole, centre des activités rituelles et politiques du site, l’existence d’une quelconque épaisseur chronologique de l’occupation. Le site paraissait correspondre tout à fait à l’image qu’en donnent les textes  almohades : un sommet de montagne brusquement aménagé, quelque part entre la fin du XIe siècle et la fin de la première moitié du siècle suivant, par un pouvoir fort, capable d’ériger d’un seul jet un monument tel que la Qasba. L’essentiel de l’habitat construit autour de ce pôle majeur ne semblait guère dépasser le siècle d’existence, si bien que le site paraissait enclin à livrer aux archéologues un  instantané de la vie d’une société de dévots, de paysans et de guerriers, pris dans une séquence chronologique courte, procédant directement d’un événement fondateur : l’instauration du pouvoir d’Ibn Tûmart, chef spirituel et militaire, et l’implantation d’une communauté charismatique, celle de ses premiers partisans almohades. Tout, dans le mobilier archéologique comme dans les datations au radiocarbone qui venaient les conforter, nous paraissait devoir étayer cette idée d’une occupation finalement éphémère, épisode sans lendemain d’une brève conquête de ce sommet. C’est en 2013 que les choses ont lentement commencé à changer, avec la découverte d’un habitat médiéval précédant l’érection de la Qasba. Depuis, d’autres découvertes en plusieurs secteurs de l’acropole d’Îgîlîz, mais également extramuros, sont venues enrichir cet inventaire de structures archéologiques diverses qui nous ramènent à une phase de l’implantation humaine précédant plus ou moins directement le grand bouleversement de la révolution almohade, ou prolongent l’occupation du site jusqu’à la fin du Moyen âge, voire au-delà. Le cas le plus emblématique est très certainement l’impressionnant édifice situé en contrebas de l’acropole que nous avons appelé « le Grand Bâtiment » (voir le résumé de la campagne de fouilles 2014) : bien que sa datation absolue ne soit pas encore assurée, ce lieu d’assemblée, sans équivalent pour l’instant dans l’archéologie maghrébine et qui pourrait renvoyer à la tenue de conseils tribaux, semble bien antérieur à la période almohade.

La reprise de la fouille en 2017 dans le secteur d’habitat situé juste derrière la porte 1 de l’acropole et devant la grotte 1 fouillée en 2011 et 2012 (fig. 1), nous a apporté une nouvelle confirmation de l’importance des séquences d’occupation dans le noyau central du site.

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Fig. 1 - Vue zénithale de la Zone 1 sur l’acropole d’Igiliz.

L’ensemble domestique situé entre la porte 1, l’un des deux accès principaux à l’acropole d’Îgîlîz, et la « grotte » 1, adopte une configuration particulière, très peu représentative des structures d’habitat qui ont déjà été fouillées sur le site. Il s’inscrit en effet dans une succession de trois cours précédant chacune une pièce rectangulaire (numérotées 11, 12 et 13). Les pièces 11 (fig. 2) et 12 sont accolées par l’un de leur petit côté, formant un corps de bâtiment de près de 27,50 m de long, orienté sud-ouest nord-est. La pièce 13 et la cour qui la précède sont en discordance avec les précédentes, puisqu’elles sont clairement orientées vers le sud-est et la porte monumentale 1 percée dans la muraille circonscrivant l’acropole.

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Fig. 2 - Vue de la moitié orientale de la pièce 11 dans la « grande demeure ».

La fouille de la « grande demeure » de la zone 1 n’est pas terminée à ce jour, ses cours et ses espaces contigus n’ont été explorés que de manière partielle. La datation de l’occupation, complexe, des pièces qui ont été dégagées, reste également problématique, dans la mesure où les habitants prenaient grand soin des intérieurs, nettoyant régulièrement les pièces et nous privant ainsi de précieux marqueurs chronologiques. Quoique cernée dans ses grandes lignes, la chronologie  précise de l’ensemble conserve encore sa part d’incertitude. S’il est désormais avéré que l’ensemble s’est construit progressivement par l’agglomération de structures juxtaposées les unes aux autres, l’ordre et le rythme avec lesquels se mettent en place les cours et les structures d’habitat ne peuvent être encore assurés. De même, la place de la pièce 13 dans cette chronologie reste encore à éclaircir : est-elle antérieure ou postérieure à la grande pièce 11? La première hypothèse obéit à une formation progressive en partant de l’est, la grande pièce 11 et la cour qui lui est associée constituant le noyau à partir duquel va se développer la « grande demeure » ; le second modèle interprétatif place au contraire la pièce 13 au tout début du processus constructif, la pièce 11 n’apparaissant que dans un second temps. A ce jour, il n’est pas possible de trancher entre ces deux possibilités.

La fonction de la « grande demeure » est elle aussi comprise dans ses grandes lignes mais elle pose toutefois ponctuellement encore quelques questions. L’identification générale de cet ensemble architectural est celle d’une structure domestique unique, accessible par un unique point d’accès, situé constamment à l’est et repoussé périodiquement dans cette direction en fonction de l’agrandissement de l’espace. Cet ensemble est toutefois composé de plusieurs unités d’habitat (2 à 3), fait rare à l’échelle du site, où domine très largement un type d’habitat monocellulaire. Cette organisation spatiale particulière suggère une occupation de type communautaire. D’un point de vue fonctionnel, les espaces sont majoritairement spécialisés (réception/repos dans les espaces 11 et 12, activités culinaires dans les espaces 14 et 16) même si ces attributions ont pu évoluer au fil du temps, notamment dans le cas de l’espace 11, l’un des plus anciens bâtiments, dont les rénovations successives ont sans doute accompagné des affectations différentes (stockage, réception, cuisine et logement). La « grande demeure » présente, à travers ses trois occupations successives, les caractéristiques d’un édifice cossu (grandes dimensions, modes de construction soignés, espaces de réception, spécialisation des secteurs, claustration de certaines zones), même si le dernier état d’occupation semble témoigner d’une baisse de qualité des constructions. Bien que la chronologie exacte de sa mise en place reste à déterminer avec plus de précision, l’espace 13 apparaît, dans cette configuration d’ensemble et en l’état actuel de l’interprétation, comme une structure destinée à contrôler l’accès à l’ensemble domestique.

La configuration particulière de la « grande demeure » de la zone 1 pourrait être rapprochée de celle d’un autre édifice singulier, fouillé en 2010 et 2011 : la Mhadra, édifice à cour situé à proximité immédiate de l’autre « grotte » de l’acropole et qui en commande l’accès. Par leur mode d’implantation sur un espace jouxtant les cavités respectives dont elles sont voisines, leur organisation spatiale particulière associant plusieurs pièces en un même ensemble clos de murs, et les différences très nettes qu’ils entretiennent avec les autres formes d’habitat en vigueur sur le site, ces deux édifices pourraient correspondre aux lieux d’ermitage (râbita-s) que signale le chroniqueur Ibn ‘Idhârî dans la description qu’il nous a laissée de l’Igîlîz almohade et du pèlerinage auquel le site donnait alors lieu. Même si cette hypothèse demande encore à être confirmée, le simple fait de la formuler illustre une fois de plus combien la fouille d’Igîlîz permet de mettre en évidence des pratiques singulières, souvent uniques à ce jour dans les annales de l’archéologie maghrébine, telles que l’aménagement de « grottes » (d’anciennes carrières de construction) à des fins domestiques et/ou dévotionnelles (dans le cadre de visites pieuses et de protection de lieux de mémoire), ou l’organisation d’agapes tribales.

S’il est encore trop tôt bien évidemment pour préciser la datation des premières phases d’occupation de ces maisons, mais les résultats engrangés cette année nous confirment une fois de plus la nécessité de concevoir désormais l’histoire d’Îgîlîz —et par conséquent celle des débuts de l’almohadisme— non plus simplement telle que la restituent les spécialistes de la période qui fondent leur savoir uniquement sur les témoignages textuels, mais dans le cadre d’un processus historique complexe. C’est à l’étude de ce processus que se dédie à présent la mission archéologique, et c’est dans cette voie-là qu’elle entend poursuivre ses travaux sur le site.

Le secteur d’activités métallurgiques et son intérêt pour les études techniques portant sur le Maghreb et l’Occident musulman

L’approche globale et interdisciplinaire qui a guidé la stratégie de fouille dès la création de la mission archéologique et les premières opérations sur le terrain en 2009 a permis de mettre progressivement en lumière certaines des activités productives des habitants d’Îgîlîz. C’est très certainement dans le domaine des activités agricoles (étudiées par Marie-Pierre Ruas, CNRS, MNHN) que la moisson —si l’on peut dire— a été la plus remarquable, tant pour préciser la place prise par l’arganier dans les logiques d’approvisionnement et de consommation de cette société montagnarde, que pour cerner au plus près l’étendue des productions vivrières. L’approche archéozoologique a livré depuis des informations capitales sur le régime alimentaire des populations installées là, en montrant notamment la palette —beaucoup plus ample que ce que l’on pouvait supposer a priori— des aliments carnés consommés sur place. L’abondance et la variété du mobilier (céramique et métallique, verre en très faible quantité certes, mais cependant notable sur un site aussi excentré d’Îgîlîz) soulignaient également la place tenue par la montagne d’Îgîlîz dans les réseaux d’échange ou de diffusion, à l’échelon local comme sur de longues distances d’artefacts et de biens manufacturés. Manquaient toutefois dans cette liste certains aspects productifs propres au site lui-même, et concernant au premier chef le métal. Les textes almohades insistent en effet sur le rôle militaire de la forteresse montagnarde, surtout au début du mouvement révolutionnaire almohade, lorsque la petite communauté des partisans d’Ibn Tûmart se réfugie en ce lieu pour résister aux expéditions lancées par le pouvoir central almoravide. Présentée comme la forteresse majeure des Arghen, fer de lance tribal de la jeune révolution almohade, la montagne apparaît alors comme le théâtre d’affrontements acharnés entre les populations locales et les troupes almoravides envoyées, à deux reprises, par le pouvoir central pour juguler ce foyer de sédition. Les diverses mentions textuelles de batailles rangées entre corps d’armée almoravides et défenseurs de la foi almohade supposent par conséquent le déploiement de tout un attirail militaire produit et entretenu par les moyens propres de la communauté montagnarde. D’un autre côté, l’abondance de certains objets métalliques —des pièces d’harnachement surtout— dans le mobilier récolté in situ, laissait subodorer la possible existence en ce lieu d’une forge et d’ateliers de fabrication, si ce n’est de transformation du minerai de fer.

Il a cependant fallu attendre l’année 2014 pour que cette impression tenace trouve enfin sa confirmation, lors de l’exploration préliminaire de la zone 7, qui correspond au secteur du col séparant l’acropole de la partie la plus orientale de la montagne d’Igîlîz. Cette zone se développe extra-muros, immédiatement en contrebas de la muraille haute et la porte monumentale 1 (fig. 3). Elle comprend plusieurs niveaux de terrasses aménagées sur les pentes dominant le col où sont construits plusieurs bâtiments monocellulaires, assez espacés, souvent associés à des enclos de petites dimensions. En son centre, elle forme un replat d’une superficie d’environ 500 m² qui constitue le point bas de la zone : c’est là qu’a été implantée une grande structure d’un module original, aujourd’hui surnommée le Grand Bâtiment, en raison de ses dimensions exceptionnelles (25 x 9 m environ – dimensions extérieures), C’est à l’occasion de la fouille, lors de la campagne de 2014, de cette structure, dont la datation reste encore à préciser mais dont la fonction communautaire ne laisse guère de doute, que l’une des structures monocellulaires voisines, l’espace 20 situé au voisinage immédiat du Grand Bâtiment, a livré de très nombreux éléments ferreux et de rejets cendreux dans les niveaux d’occupation. Ces traces d’activités de forge ont suscité la poursuite de la fouille de l’espace 20 (fig. 4) et l’extension des sondages exploratoires menés dans la zone 7 en 2016 et 2017, sous la responsabilité de Nolwenn Zaour (INRAP), Chloé Capel et Pauline De Keukelaere (UMR 8167). Les résultats obtenus soulignent que la forge de l’espace 20 n’a sans doute pas été un site de production métallique isolé à Îgîlîz. En effet, les traces évidentes d’activité métallurgique reconnues dans l’espace 33, même si dans l’état actuel des connaissances elles n’atteignent pas l’ampleur de celles de la forge 20, permettent de pressentir désormais l’existence d’un véritable secteur dédié aux activités métallurgiques.

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Fig. 3 - Localisation des structures fouillées en Zone 7 en vue de la mise en évidence des activités métallurgiques dans ce secteur.

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Fig. 4 - Vue de détail de la pièce 20, où a été aménagée la forge principale du secteur.

Pour bien comprendre le caractère exceptionnel de cette découverte, il faut contextualiser celle-ci dans les champs respectifs des études maghrébines d’une part et de l’archéologie islamique de l’autre. On connaît très peu —on s’en tient ici aux sites publiés— de forges pour l’Afrique du Nord antique et médiévale : le sujet ne semble guère avoir retenu l’attention des chercheurs, plus attirés par les activités d’extraction minière et de transformation du minerai que par la fabrication des objets en métal. Un même constat pourrait être établi dans le cadre plus large de l’archéologie islamique. Dans ce domaine également, et même si les études céramologiques et archéométriques abondent au sujet des productions céramiques et verrières, les activités métallurgiques constituent une fois encore, pour l’Orient islamique en tout cas, un parent pauvre —voire indigent— de la recherche. Pour l’Islam d’Occident, c’est dans la péninsule Ibérique, en Espagne et surtout au Portugal, que l’on trouve les rares études archéologiques qui font défaut partout ailleurs. Les résultats encore préliminaires de la récente fouille par l’équipe de Sophie Gilotte d’un ensemble de forges dans l’espace intramuros de la petite ville frontalière d’Albalat (Estrémadure) montrent tout le profit que l’on peut tirer d’une attention portée à ces vestiges. On conçoit dans ses conditions l’importance de l’étude du secteur d’activités métallurgiques d’Îgîlîz, et la priorité qui doit, dans les prochaines années, lui être accordée par le programme.

Du site du territoire : vers une compréhension plus fine de l’histoire du peuplement de la région

Longtemps réduites à des visites très ponctuelles organisées en marge des opérations de fouille, les prospections avaient néanmoins déjà permis d’engranger, au long des cinq années passées, de belles découvertes sur un terrain, on le rappelle, complètement vierge de toute étude archéologique antérieure. L’étude des sites recensés n’en était pas moins restée superficielle, du fait notamment de l’absence de travaux topographiques de précision susceptible de rendre compte de l’organisation spatiale d’ensemble des vestiges, souvent trop ennoyés d’éboulis pour être appréhendés depuis le sol. Depuis l’année dernière, l’utilisation d’un drone piloté par Ronald Schwerdtner, le topographe de la mission (fig. 5), et d’un GPS différentiel a permis de concevoir d’une autre manière les missions de prospection et notamment le protocole d’acquisition et de géolocalisation des données. En parallèle, la mise en service d’un SIG, devenu entretemps indispensable à la poursuite de l’enquête de terrain, a permis une nouvelle systématisation de cette approche. Celle-ci s’est rapidement avérée très fructueuse, pour livrer en 2017 une exceptionnelle moisson de nouveaux sites ou monuments ruraux. Etayée par une bonne connaissance des référentiels céramiques pour le Moyen Âge, la période moderne et subcontemporaine, la typologie des sites s’est grandement affinée. Surtout, la place des sites de hauteur installés en position d’éperon barré se confirme comme l’un des éléments structurants du paysage ancien. Tout comme s’affirme également le rôle des tumuli comme marqueurs territoriaux et éléments de polarisation du peuplement. Certes, il demeure encore bien des inconnues, dont celle, majeure, de la datation encore pendante pour un certain nombre de sites qui n’ont pas à ce jour livré de mobilier, et dont les caractéristiques nous renvoient à des temps plus anciens que celui de l’épopée almohade . L’étude précise qui en est à présent proposée, notamment par la production d’une documentation graphique très détaillée, permet d’envisager à court ou moyen terme un profond renouvellement de nos connaissances sur ces points encore obscurs de l’histoire du peuplement de la région.

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Fig. 5 - Prospection aérienne par drone (piloté par R. Schwerdtner, topographe de la mission) dans la combe de hauteur de l’Adrar, à quelques kilomètres du site d’Igîlîz.

La formation d’une jeune génération d’archéologues spécialistes en archéologie islamique

N’ayant pas ménagé ses efforts en matière de formation des étudiants les années précédentes, et plaçant en 2017 la priorité sur la préparation de la publication de la monographie (voir infra), la mission archéologique franco-marocaine n’a accueilli cette année que trois doctorants et deux étudiants de Master. Les responsables de la mission se félicitent néanmoins d’avoir pu engager cette année, avec le travail d’Ihsane Serrat placé sous la direction d’Abdallah Fili et d’Ahmed S. Ettahiri, la première thèse d’une étudiante marocaine qui soit spécifiquement dédiée à l’étude du mobilier (céramique en l’occurrence) d’Îgîlîz. Si d’autres thèses ont déjà été inscrites (et d’ailleurs déjà soutenues pour certaines : celles de Morgane Godener et Chloé Capel en 2016, celle de Hafsa El Hassani en 2017) par des membres de l’équipe archéologique sur des sujets portant sur l’archéologie islamique au Maroc (on citera également la thèse en cours de Violaine Héritier-Salama) ou, pour partie, sur des aspects matériels concernant Îgîlîz (c’est le cas de la thèse en cours de Pauline De Keukelaere), impliquant un encadrement scientifique et un soutien institutionnel apporté par les codirecteurs de la mission, c’est désormais à la jeune génération des lauréats de l’INSAP formés en archéologie islamique de se lancer dans l’étude des riches matériaux collectés dans le cadre des activités de terrain à Îgîlîz. Tout comme se maintient grâce à la mission la tradition des études françaises sur l’archéologie des périodes historiques au Maghreb.

Vers la première monographie du site

En matière de valorisation scientifique et de diffusion des résultats, la mission a publié, au 1er septembre 2017, 20 articles, essentiellement dans des revues françaises ou marocaines à comité de lecture, ou dans des actes de colloques internationaux. 7 articles sont parus entre 2006 et 2012, si bien que ce ne sont pas moins de 13 nouvelles contributions, en français et en arabe, portant sur des aspects architecturaux, socio-économiques et/ou environnementaux, qui sont venus enrichir la bibliographie de la mission entre 2013 et 2017. Les activités de valorisation de la mission ont été cependant plus réduites cette année, de manière à ménager le temps nécessaire à l’achèvement de la préparation de la première monographie consacrée au site d’Îgîlîz, dont le manuscrit devrait pouvoir être soumis courant 2018. Cette monographie sera consacrée à une présentation générale du site, ainsi qu’à l’étude des principaux monuments de l’acropole : Qasba, grande-mosquée, « grottes » et à l’ensemble domestique de la Mhadra. Une seconde monographie, en préparation également, sera centrée quant à elle sur l’habitat et la zone rituelle de l’acropole.

Le 07 juillet 2022

Source web par : archeocvz.hypotheses

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