Voie lactée : Gaia révèle une collision géante avec une autre galaxie il y a 10 milliards d'années
La révolution apportée par les données astrométriques de la mission Gaia de l'ESA se déroule sous nos yeux. La composition chimique et les orbites de dizaines de milliers d'étoiles suggèrent que la jeune et petite Voie lactée serait entrée en collision avec une autre galaxie baptisée Gaia-Encelade il y a 10 milliards d'années. Les deux astres auraient alors fusionné.
La structure tectonique des roches et de leurs strates, ainsi que leur composition chimique et parfois leur mémoire magnétique, nous permettent de reconstituer l'histoire de la formation et de la dérive des continents sur des centaines de millions d'années. De même, les trajectoires et orbites des étoiles dans la Galaxie ainsi que leur contenu en éléments plus lourds que l'hydrogène, l'hélium et leurs isotopes, devaient permettre de faire de l'archéologie galactique.
Les astronomes étaient convaincus qu'ils pouvaient de cette façon reconstituer l'histoire de notre Voie lactée, qui, comme le montrent les images des collisions de galaxies, a dû être marquée par des événements violents. Cette histoire doit se refléter dans la structure et la composition de la Galaxie, elles sont laissées par les interactions gravitationnelles rapprochées entre les galaxies, dans le passé, ainsi que par les fusions galactiques injectant des populations d'étoiles dont la composition chimique garde la trace d'une évolution dans des contextes différents.
Encore fallait-il pour cela disposer de données suffisamment précises concernant les positions et les vitesses d'un grand nombre d'étoiles dans la Voie lactée, ainsi que sur leurs abondances en divers éléments. Les archéologues galactiques se sont donc dotés des instruments nécessaires pour la réussite de cette aventure de la connaissance humaine avec la mission Gaia et la campagne d'observations d'Apogee (Apache Point Observatory Galaxy Evolution Experiment), dans le cadre du SDSS (Sloan Digital Sky Survey).
Il y a dix milliards d’années, la Voie lactée a fusionné avec une grande galaxie nommée Gaia-Enceladus. Description de cette méga fusion, découverte par une équipe internationale dirigée par l’astronome Amina Helmi, dans cette vidéo. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © University of Groningen
Les premiers résultats spectaculaires de ce projet tombent en ce moment comme le prouve un article déposé sur arXiv et qui a donné lieu à une publication dans le journal Nature. Avec leurs collègues, les astronomes Amina Helmi, de l'université de Groningue (Pays-Bas), et Carine Babusiaux, de l'IPAG/OSUG (CNRS/université Grenoble Alpes) sont ainsi arrivées à la conclusion que la jeune Voie lactée est très probablement entrée en collision, suivie d'une fusion, avec une autre grande galaxie, il y a environ 10 milliards d'années.
Une fusion avec une galaxie 4 fois plus petite que la Voie lactée
Pour cela, les chercheurs se sont notamment appuyés sur le premier catalogue de données fournies par les 22 premiers mois d'observations de Gaia portant sur environ 7 millions d'étoiles. À peu près 30.000 d'entre elles étaient singulières : non seulement leurs orbites étaient un peu plus elliptiques que celles des autres étoiles mais surtout elles étaient parcourues en sens contraire. La détermination plus précise de la composition chimique de leurs atmosphères avec Apogee a aussi montré des spectres singuliers par rapport aux autres étoiles, mais suggérant une histoire partagée donc un lieu de naissance et d'évolution commun, différents des autres étoiles de la Voie lactée.
Ces caractéristiques ont rappelé des souvenirs aux chercheurs ayant travaillé, via des simulations numériques, sur les conséquences à attendre lors de fusions de galaxies de tailles comparables. Ils en ont finalement conclu que les observations de Gaia et d'Apogee se comprenaient bien si une galaxie de la taille du Petit Nuage de Magellan était entrée en collision avec la jeune Voie lactée il y a environ 10 milliards d'années. Elle devait à l'époque être quatre fois plus grande que lui alors qu'actuellement elle l'est environ 10 fois plus.
Deux schémas montrant la structure de la Voie lactée, une spirale barrée de 100.000 années-lumière de diamètre avec des amas globulaires (globular clusters), le Soleil (sun) et des vieilles étoiles dans son halo et son bulbe (bulge). © Esa
Cette hypothèse est soutenue également par les caractéristiques d'au moins 13 amas globulaires dont les orbites sont aussi curieusement rétrogrades dans la Voie lactée. Un tel nombre d'amas plaide bien d'ailleurs pour une fusion entre deux galaxies de tailles respectables et ne s'explique pas par l'engloutissement de plusieurs galaxies naines par la Voie lactée. En bonus, cette découverte suggérée par Gaia et Apogee éclaire d'un jour nouveau d'autres caractéristiques de la Voie lactée que l'on ne comprenait pas bien au niveau de son disque.
En effet, celui-ci a une structure double. Il y a d'abord un disque mince et dense dont l'épaisseur est d'environ 700 années-lumière et où se trouvent les bras de notre Galaxie. Il est lui-même plongé dans un disque plus diffus dont l'épaisseur est d'environ 3.000 années-lumière. Ce disque épais aurait été peuplé lors de la collision entre la Voie lactée et la galaxie baptisée Gaia-Encelade. Ce nom vient de la mythologie grecque : Encelade, l'un des Géants, fils de Gaïa (la Terre) et d'Ouranos (le Ciel), lors de la Gigantomachie, fut mis hors de combat par Athéna et enterré sous le mont Etna, provoquant depuis séisme et éruption. Gaia-Encelade est bel et bien enterré dans la Voie lactée, ses étoiles étant autour de nous. Sa fusion a certainement été comparable à une masse lancée et percutant une marre, dans le fluide d'étoiles auto-gravitant de notre Galaxie.
Ce seraient donc les conséquences de ce choc qui auraient éjecté des étoiles du disque fin de la Voie lactée dans ce qui allait devenir son disque épais et que l'on retrouve aussi dans son halo avec les étoiles et les amas globulaires de Gaia-Encelade.
Simulation informatique de la fusion entre la jeune Voie lactée, dont les étoiles sont en cyan, et une galaxie plus petite, indiquée en rouge. La simulation présentée dans cette animation est décrite dans les articles de Á. Villalobos et A. Helmi, publiés en 2008 et 2009. © ESA Science & Technology, Koppelman, Villalobos & Helmi, Kapteyn Astronomical Institute, university of Groningen, The Netherlands
Publié le 02/11/2018
Source web par: futura sciences
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