le Maroc : un patrimoine diversifié, riche, avec des apports multiples pour Monsieur Omar ABBOU
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le Maroc : un patrimoine diversifié, riche, avec des apports multiples pour Monsieur Omar ABBOU

Monsieur Omar ABBOU 

Président de la Commune Urbaine de Figuig et Délégué Provincial de la Culture

Pour une reconnaissance du patrimoine de l’oasis et des ksour de Figuig

le Maroc : un patrimoine diversifié, riche, avec des apports multiples

Le  Maroc  bénéficie  de  grandes  traditions  séculaires  en  matière  d’architecture  et  de  patrimoine urbain et culturel.  Traditions  qui  n’ont  cessé  de  se  diversifier  et  de  s’enrichir  en  intégrant des apports différenciés depuis plusieurs millénaires.

Ce patrimoine témoigne d’une diversité dans la forme, la situation géographique, les matériaux, les conditions humaines et historiques, les pratiques sociales et l’appropriation de l’espace, qui ne font qu’enrichir l’unité traduite dans les relations humaines et autres règles

qui structurent et régissent la société (kurhan, 2003, pp. 311-312).

Le patrimoine historique du Maroc est réparti sur tout son territoire.

Sa sauvegarde demeure non seulement une nécessité absolue pour préserver la mémoire

collective  du  pays,  mais  aussi  un  impératif  pour  un  développement  local  multisectoriel    intégré touchant de larges couches de la société marocaine.

Figuig, oasis marocaine, est un exemple qui reflète cette richesse, cette diversité et cette  originalité  du  patrimoine  marocain.  L’originalité  du  patrimoine  de  cette  oasis  s’exprime  dans l’emploi des matériaux, l’adoption des formes, l’utilisation rationnelle des espaces, la fonction, le rôle et l’utilité de chaque construction.

C’est un habitat qui a pour point de départ les besoins et pour finalité la satisfaction de ces besoins ainsi que l’application des savoir-faire humains. Le bâti est considéré comme un vecteur d’une culture constructive (kurhan, 2003, p. 316).

l’Oasis de Figuig :

des potentialités patrimoniales d’importance nationale et universelle

L’oasis de Figuig  est  située  dans  la  Région  de  l’Oriental,  au  Sud-Est  du  Maroc,  enclave confinée sur trois côtés avec l’Algérie. Elle est composée de sept ksour (z

enaga, Oudaghir, Lamaiz, Ouled Slimane, Hammam Foukani, Hammam Tahtani et Laabidate) : exemple typique de l’architecture ksourienne, elle regorge de potentialités patrimoniales et archéologiques d’importance nationale et universelle ; elle a connu l’émergence d’un type d’habitat traditionnel en terre, inspiré et influencé par les techniques architecturales africaines et méditerranéennes.

Un système spécifique « d’urbanisation du territoire », structuré en  Ighrem oasis avec une rigoureuse maîtrise de gestion des rares ressources et des relations étroites bien pensées, réfléchies, et mesurées (Meziane, 2007, Tome 1, p. 109 et Pop, 1992, p. 36) :

• entre le cadre bâti, la palmeraie et les zones environnantes, le réseau économique et les spécificités sociales ;

• dans le rapport social de mutualité entre les citadins et les nomades, entre le fellah oasien et l’éleveur transhumant, où « La partie agricole et celle habitée sont indispensables l’une à l’autre ; chaque changement d’une partie modifie aussi l’autre ».

Un relais indispensable au milieu du désert

L’oasis    jouait  un  rôle  économique  important  au  milieu  du  désert,  relais  indispensable, 

point de ravitaillement, et gîte d’étape nécessaire à l’existence matérielle et morale du nomade (zaid,1992, pp. 87-88 et Meziane, 2007, p. 118). C’était alors bien plus qu’une simple

zone  agricole.  Elle  exerçait  une  fonction  urbaine  dans  un  territoire  basé  sur  la  complémentarité entre la culture oasienne et la vie pastorale nomade. Elle associait l’agriculture, le commerce, l’artisanat et des fonctions culturelles et religieuses.

Pendant  la  période  de  sécheresse,  la  population  nomade  ruinée  venait  camper  autour  de l’oasis et offrir sa force de travail au ksourien et, pendant les années d’abondance, les

nomades faisaient  des  ksour  de  Figuig  le  magasin (Makhzen)  de  leur  production  (laine, beurre  fondu,  céréales).  Par  sa  fonction  religieuse  et  culturelle,  elle  était  le  seul  «espace lettré » d’un immense territoire ; elle était donc un lieu d’attraction : consultation des Oulémas  ou  des  juges,  pèlerinage  aux lieux saints-Marabouts ,fréquentation  des  zaouïas(b enali, 1987, p. 154). C’est cette complémentarité et cette mutualité de gestion de l’environnement qui soutiennent la préservation de l’oasis et de son patrimoine.

Figuig : une situation de carrefour                

Tout au long des siècles passés, la population de l’oasis de Figuig a créé, avec des matériaux locaux, une architecture vernaculaire parfaitement adaptée aux besoins de l’écosystème oasien.

Trois facteurs ont influencé le choix des oasiens pour l’établissement des ksour :

• le premier est le facteur commercial de cette zone située au point de passage des itinéraires commerciaux sahariens, les oasis ksouriennes servant de relais, d’étapes, qui permetaient aux caravanes de se ravitailler (Meziane 2007, Tome 1, p. 118) ;

• le second facteur est celui de l’eau, où la facilité de son accessibilité et de son alimentation rend possible les productions agricoles nécessaires à la survie de l’oasis ;

• finalement, la sécurité, en réponse à l’appréhension des attaques de pillards.

Le site de Figuig se caractérise par une dépression encadrée par un ensemble de crêtes

aux formes aiguës, étroites et peu élevées, qui sont relayées par des cols (zaid, 1992, pp. 5657). Afin d’assurer son rôle de carrefour commercial dans un milieu relativement hostile, la population des ksour a dû répondre à des impératifs de défense et privilégier un mode d’organisation sociale montrant, aujourd’hui encore, une grande cohésion, aussi bien dans les pratiques sociales que dans l’édification des ksour, la construction des maisons et l’accomplissement  des  tâches  agricoles.  Ainsi,  un  principe  social  d’entraide  et  d’égalité,  soigneusement appliqué, a présidé à l’organisation de l’espace oasien et à la constitution de la cité, élaborant de cette façon une œuvre collective (kurhan, 2003, p. 317).

l’Oasis de Figuig : la trilogie eau -palmeraie –habitat

Le palmier, l’eau et le système traditionnel d’irrigation constituent le fil conducteur de l’architecture  oasienne,  participant  à  l’édification  du  modèle  paysager  local. Si les  hommes 

se sont évertués dans le domaine de l’irrigation traditionnelle, en créant des instruments

pour  une  répartition  ingénieuse  des  parts  d’eau  entre  les  habitants  des  différents  ksour 

(le système des khettarats), les femmes se sont spécialisées dans le métier du tissage de qualité, ce qui justifie ce qu’en a dit un sage du 16ème siècle : « Figuig, c’est Tzadert et Tsadert» ce qui veut dire l’eau et le tissage.

 Ainsi, en se basant sur la qualité des produits, des ressources humaines, de la gestion des ressources  naturelles,  Figuig  a  pu  résister  aux  changements.  L’irrigation,  le  tissage  et  le  culturel sont les trois pôles complémentaires de l’oasis de Figuig.

 Ils forment un tout homogène, reflétant ainsi une société à part, et mettent en valeur une vision ouverte sur l’univers.

Ainsi, l’architecture vernaculaire de Figuig est le résultat de diverses causes liées au climat, à la présence de l’eau, à la disponibilité du matériau et au site géographique. Il en découle une expression d’une grande complexité.

L’Oasis est à elle seule une valeur sociale et culturelle de premier ordre. Elle a engendré une culture de recherche et d’exploitation de véritables mines d’eau dans un milieu désertique hostile. L’oasis a construit les foggaras, système ingénieux ayant permis de ramener l’eau de très loin pour l’exploiter de manière rationnelle.

C’est  ainsi  que  les  maisons  étaient  perçues  comme  des  abris  naturels  dans  lesquels  les 

oasiens recherchaient un maximum de confort et de protection, et l’utilisation optimale

des espaces bâtis (Darkaoui, 2000, pp. 75-76).

Le palmier dattier est la principale richesse de l’oasis de Figuig, elle-même parmi les plus

anciennes oasis de la frange septentrionale du Sahara. Elle est composée de sept ksars ;

ces ksour sont tous reliés entre eux par les jardins plus ou moins verdoyants de la palmeraie (bencherifa et Popp, 1992, pp. 12-13). Le  Palmier dattier, malgré  plusieurs contraintes,

reste le pivot de l’économie oasienne de Figuig. Déjà situés en frange septentrionale du

domaine du dattier proprement dit, les 190 000 palmiers souffrent par ailleurs de la fraîcheur due à l’altitude et surtout de la fusariose vasculaire (bayoud). Cette maladie cryptogamique décime en priorité les meilleures espèces, réputées fragiles. Malgré  tout  cela,  le  palmier  dattier  reste  le  symbole  de  la  fertilité  et  de  la  prospérité.  Il  constitue l’arbre providence de l’oasis puisqu’il a survécu au lendemain des crises les plus

dures (zaid, 1992). L’oasien accorde au palmier une attention particulière, s’assurant constamment d’une suffisante  alimentation  en  eau  sous  une  chaleur  dépassant  les  40  degrés  :  «  il  pousse  tête dans le feu et pieds dans l’eau» Dans ce milieu écologique fragile, l’oasien a pratiqué la culture à trois étages : le palmier

est la strate dominante, qui ombrage de plus petits arbres fruitiers (abricotiers, grenadiers,

figuiers, oliviers, etc.). Par la suite, ces petits arbres fruitiers servent eux-mêmes à protéger

les cultures plus basses de légumes, blé, orge, luzerne, henné, maïs, etc.

On  voit  donc  apparaître  au  milieu  de  ces  systèmes,  de  réels  microclimats  favorables  et  particuliers de la culture en zone aride. Grâce à cette stratification, on diminue les effets extrêmes du soleil et du vent.

Ce véritable microclimat local, plus frais, crée des échanges par convection qui maintiennent  les  niveaux  de  température  et  d’humidité  constants  sous  la  voûte  des  palmiers.  Le Palmier dattier, malgré plusieurs contraintes, reste le pivot de l’économie oasienne de Figuig.

Ainsi, la palmeraie devient donc plus importante qu’un simple lieu de production, car elle agit également comme lieu de socialisation (Chakroune, 2006, p. 27).

Dans  ses  zones,  le  ksar  est  une  entité urbaine qui exprime une volonté de communication, de solidarité et de vie collective ; il est aussi l’héritage prestigieux et l’œuvre collective d’une société harmonieusement adaptée à son milieu.

Il  doit  son  existence  à la cohérence économique, sociale et culturelle de la société oasienne.

Une faune et une flore riches et diversifiées                     

L’existence  de  cette  palmeraie,  avec  toutes  ces ressources  en  eau, a permis  la  vie  d’une faune  riche  et  diversifiée  :  elle  comprend  des  mammifères  sauvages  terrestres  de  très  nombreuses  espèces.  On  dénombre  ainsi  de  petits  animaux, tels  le  hérisson,  le  lièvre,  la gerbille, le chacal, le renard, le chat sauvage, la gazelle...

Le cas de l’avifaune est plus complexe puisque les oiseaux se classent en espèces sédentaires  et  en  oiseaux  migrateurs  qui  sont  soit  hivernants,  soit  estivants  :  la  plupart  de  ces  espèces sont protégées. Certaines des espèces sont menacées de disparition, à l’exemple de l’outarde.

Un gisement archéologique à protéger

Les  zones environnantes de l’oasis représentent un gisement archéologique. La valeur potentielle de ces ressources archéologiques est largement sous-estimée : d’une part,  elle  n’est  pas  suffisamment  étudiée et, d’autre part, les résultats des recherches fournissant des informations sur les migrations, les changements climatiques, les activités humaines, les paysages, ne sont pas diffusés auprès du grand public.

Figuig  fait  partie  du  vaste  territoire  Nord-africain et Sub-saharien dont le passé lointain fut marqué par des gravures rupestres habituellement  attribuées  aux  chasseurs-pasteurs  du  néolithique,  malgré  l’importance  de  certains aspects qui laissent aussi penser à une vie sédentaire assez précoce.

Figuig est l’une des régions les plus riches en témoignages archéologiques. Des sites préhistoriques, des grottes ou abris à peintures (ornés) et des gravures rupestres de renommée mondiale ont été découverts dans la région de Figuig, couvrant une longue période de la préhistoire.

Un savoir-faire  et une culture identitaire forte

Des  produits  de  l’artisanat,  des  chants,  des  danses,  des  cérémonies  religieuses  ou  pro

fanes,... l’oasis dispose d’un patrimoine culturel diversifié, riche et unique.

Le patrimoine immatériel englobe ainsi les aspects les plus fondamentaux d’une

culture dentitaire et de la tradition vivante : les traditions orales, les coutumes, les langues, la musique, la danse, les rituels, les festivités, la médecine et la pharmacopée traditionnelles, les arts de la table, les savoir-faire traditionnels (outil, habitat), l’artisanat.

Ces derniers ont pour support une série d’objets de la culture tangible (instruments, costumes, etc.) souvent réalisés par des artisans habiles qui détiennent leur savoir-faire et les techniques employées transmises de génération en génération ; l’art et la manière de les produire sont immatériels.

Tissage : un savoir-faire ancestral ; un travail pratiqué spécialement par les femmes

Les milliers de manuscrits déposés dans les bibliothèques familiales reflètent l’intense activité intellectuelle de l’oasis depuis le èmsiècle  et la richesse des savoirs transportés par les caravanes (sciences coraniques, histoire de l’art de la calligraphie, astronomie, médecine, etc.)

les ksour de Figuig, une architecture unique                   

L’architecture  de Figuig, unique en son genre, a évolué en se caractérisant par sa fonctionnalité et son style architectural distinct qui combine la simplicité, la modestie et l’égalité avec  une  étonnante  vision  de  fonctionnalité  et  de  complémentarité  entre  le  cadre  bâti, l’espace agricole et l’activité artisanale (Mahfoudi, 1998, pp. 93-94).

L’adobe est le matériau de base de la construction à Figuig, avec les pierres, les troncs des palmiers et les bases de palmes  (kernafs).  Tous  ces  matériaux  sont  disponibles  localement en grandes quantités et s’ajoutent aux compétences traditionnelles en matière de construction. L’intégrité structurelle de la cité de Figuig a été traditionnellement assurée grâce à des opérations régulières de maintenance effectuées au moins une fois par an, en plus  de  celles  effectuées  quand  cela  est  nécessaire  et  lorsqu’une  occasion  est  célébrée  dans la maison (mariage, pèlerinage). Le rôle historique important de Figuig ainsi que sa persistance  actuellement,  ont  été  atteints  surtout  grâce  aux  pratiques  d’ingénierie  très  avancées, dans les domaines de l’économie, de l’industrie, de l’eau et de l’agriculture, développées par ses habitants durant des siècles.

Elles se traduisent par une utilisation efficace des ressources naturelles limitées, pour répondre  aux  besoins  des  habitants,  prenant  pleinement  en  considération  le  facteur  humain,  les  traditions  et  les  conditions  environnementales  sévères  (Addarkaoui,  2000,  pp.75-76).

Patrimoine architectural de Figuig : richesse et diversité

Les ksour, héritage d’une longue tradition urbanistique et  architecturale  avec  les  techniques et les matériaux locaux (briques de terre séchées, bois du palmier, chaux) offrent une synthèse d’apports culturels d’origines diverses et présentent les intérêts suivants :

• un patrimoine culturel de valeur scientifique remarquable pour l’histoire, l’archéologie et l’anthropologie ;

• une composante importante du patrimoine architectural ;                         

•  le  témoignage  d’une  adaptation  ingénieuse  à  un  milieu  de  forte  aridité,  fragile  et  de ressources rares ;

• le reflet du savoir-faire des populations oasiennes pour l’habitat et la gestion de l’espace ;

• le symbole d’une identité territoriale enracinée ;

• un atout remarquable pour le développement local (patrimoine).

Figuig : un patrimoine identitaire à sauvegarder

Depuis  environ  quatre  décennies,  Figuig  a connu l’expansion anarchique de  l’urbanisation de style occidental, non compatible avec les spécificités urbanistiques locales, et en complète contradiction avec les traditions architecturales locales.

Ceci a totalement bouleversé la complémentarité entre l’espace bâti et l’espace agricole,

et a introduit des dysfonctionnements profonds dans l’espace oasien, qui posent de très nombreux problèmes, dont la diffusion démesurée d’un modèle « standard d’urbanisme

inspiré  de  la  ville  occidentale  »  qui  altère  l’originalité  du  paysage  urbain  authentique  et accélère la dévalorisation d’un riche patrimoine architectural en terre de la civilisation présaharienne.

Cette situation alarmante  de dégradation ou de destruction, voire de disparition du patrimoine urbain en terre, risque, s’il n’y a pas d’interventions de qualité, d’engendrer la perte irrémédiable des valeurs de civilisation urbaines traditionnelles.

Les restaurations et les maintenances de routine des bâtiments ont été interrompues, ce

qui  entraîné  une  détérioration  sérieuse  de la cité, menaçant  sa  durabilité  et  son  existence même. Cet ensemble représente actuellement :

• un espace urbain sous-équipé, sous-intégré et abandonné ;

• un tissu dégradé, habité pour l’essentiel par une population à très bas revenu, souvent récemment immigrée (nomade), présentant donc peu de racines dans cet espace et dans sa culture ;

• un parc immobilier plus ou moins important, en très mauvais état, non seulement dans structures du bâti qui, parfois, menacent ruine, mais aussi dans ses réseaux.

Les ksour sont donc confrontés à de sérieux problèmes dans les domaines de l’urbanisme

et  de  l’habitat.  Le  style  urbain  moderne  progresse  ;  les  tissus  anciens  se  dégradent,  les ksour se dévalorisent et  les anciennes  constructions  en  terre  sont  de  moins  en  moins  renouvelées et entretenues.

Ces mécanismes de dégradation avancent, avec un effet cumulatif :

• la perte des fonctions culturelles, institutionnelles et économiques capables d’orienter et d’organiser le développement urbain ;

• la concentration d’une population à très bas revenu, qui trouve comme seule opportunité de se loger l’habitat « traditionnel » et dévalorisé de la ville historique - dans les poches d’habitat précaire ou en ruine qui se sont formées à l’intérieur - population qui ne dispose évidemment pas des moyens ni du savoir-faire pour entretenir les structures et souvent ne reconnaît aucune « valeur » patrimoniale au tissu historique ;

•  le  mauvais  état  de  conservation  du  bâti,  avec  un  tissu  marqué  par  des  interventions maladroites et par le manque d’entretien qui provoque parfois des situations de danger à cause d’écroulements.

L’exode des habitants de Figuig a eu pour conséquence une interruption dans les opérations  de  maintenance  habituelles  et  une  dévalorisation  des  anciennes  constructions  en  terre. Cette interruption, conjuguée aux infiltrations des eaux à partir des canaux passant sous les structures des ksour et aux effets sévères de l’environnement (pluies torrentielles),mène  à  une  détérioration  rapide  de  beaucoup  de  structures.  Comme  les  structures  des  ksour sont interconnectées et compactes (mur à mur), ceci a conduit à une propagation des dommages des structures détériorées vers celles qui sont encore solides, menaçant ainsi de faire effondrer toute la ville (begdouri Achkari, 2002, p. 143).

Un écosystème oasien et un savoir-faire à préserver

La  dégradation  et  l’appauvrissement  continus  de  l’héritage  culturel  et  de  la  biodiversité 

naturelle, l’absence d’une politique urbaine et patrimoniale efficace et le faible intérêt accordé  aux  tissus  urbains  anciens  par  les  concepteurs  des  documents  d’urbanisme,  ainsi 

que  la  négligence  évidente  des  dispositions  du  Code  d’urbanisme  (Lois  12-90  et  22-80)  relatives à la conservation du patrimoine culturel, posent également de sérieux problèmes pour l’avenir de l’écosystème oasien tout entier.

Ces changements sont à l’origine de besoins et de désirs nouveaux de la part des habitants, qui subissent les influences culturelles des travailleurs émigrés et celles qui sont liées aux progrès techniques mondiaux, sans toutefois en contrôler les dérives.

Ainsi, l’architecture traditionnelle est aujourd’hui dévalorisée aux yeux d’une grande part de la population, qui lui préfère, de façon légitime, le modèle d’habitation isolé porteur du confort moderne, adopté dans les zones d’extension des ksour.

Si bien que l’urbanisation rapide de l’oasis a participé à l’altération du site, conduisant à:

1-la dislocation des valeurs traditionnelles (la gestion communautaires des ressources, la

vie  en  collectivité  et  la  solidarité)  et  l’effondrement  du  système  socioéconomique  traditionnel à cause de  la dévalorisation du travail de la terre ;

2- la dévalorisation de l’habitat traditionnel, qui est devenu une référence à la vie rurale

et un synonyme de pauvreté, de précarité et, de manque d’hygiène (Fadli, 1997, p. 129) ;

3- l’éclatement  des  ksour,  remplacés  par  des  quartiers  dispersés  de  facture  occidentale,  empiétés le plus souvent sur les terrains de culture ;

4- l’exode  vers  les  villes,  car  le  déclin  de  l’économie  oasienne  associé  à  la concentration des biens et des services dans les grandes villes (surtout l’axe littoral), suite à une politique d’aménagement du territoire héritée de l’époque coloniale, impliquent les populations de l’oasis dans un mouvement d’immigration qui risque dans les années à venir de vider cette région de son potentiel humain.

La trilogie fondée sur l’eau, la palmeraie et l’habitat, base de l’écosystème oasien, est très

menacée  face  aux  mutations  imposées,  qui  remodèlent  les  aspects  socio-économiques  mais aussi socio-culturels.

Le déclin des ksour de Figuig a été observé tant par ses anciens habitants que par les organisations internationales et par les décideurs au niveau des collectivités locales ou au niveau des services déconcentrés de l’état. Tous ces acteurs sont conscients de la nécessité d’une intervention urgente pour la sauvegarde et la réhabilitation de ce patrimoine. Si le problème posé dans les pays développés est de rétablir un savoir-faire qui a disparu pour développer une bio-architecture ou une architecture durable, ou pour mener des actions de restaurations, le problème à Figuig est par contre de préserver ce savoir-faire, qui existe

et qui peut être transféré et croisé avec d’autres expériences. Les techniques de construction locales  sont  encore  conservées  ;  elles  peuvent  même  servir  de  modèle  à  l’échelon  universel pour ce qui est de la construction en terre (begdouri Achkari 2002, pp. 112-113).

la politique de l’approche de restauration du patrimoine de Figuig

La question posée est la suivante : l’application des règles proprement urbanistiques (plan, règlement) suffit-elle pour la sauvegarde du patrimoine architectural oasien ?

Une réhabilitation (ou un plan de sauvegarde) doit être faite en considérant le savoir-faire,

les  préoccupations  de  la  population  et  leurs  aspirations  en  matière  de  développement  socio-économique et chercher à comprendre les raisons de la dégradation des ksour. Se baser uniquement sur une vision d’un aménageur ou d’un expert ne serait qu’un échec.

Trois volets principaux sont à prendre en compte :

• la valeur identitaire du patrimoine culturel comme facteur possible de cohésion sociale 

pour créer un consensus autour des objectifs d’un développement plus durable ;

• le potentiel des activités liées à la sauvegarde et à la valorisation du patrimoine culturel comme vecteur du développement économique, capable de créer des sources nouvelles d’emploi et de revenu (à travers notamment la promotion du tourisme culturel, de la formation et de la recherche, de l’artisanat et du commerce, etc.) ;

• le rapport de mutualités sédentaires nomades peut être développé  dans le cadre des expériences de restaurations (par exemple, mener une expérience de relogement ou d’habitat social à l’intérieur du tissu ancien).

Pour s’assurer d’une intervention dans cet espace fragile, il est fortement nécessaire d’intégrer les populations locales dès l’étape d’exploration et de conception du projet.

La conservation et la requalification des ksour demeurent une tâche ardue qui doit :

• préserver le système d’habitat traditionnel, le patrimoine architectural oasien, sans le folkloriser ;

• garantir la maîtrise de l’écosystème oasien ;

• restaurer les habitations des ksour pour maintenir la population résidente et améliorer le cadre de vie ;

• restaurer les monuments et sites historiques et les intégrer aux activités culturelles et  socio-économiques ;

• réhabiliter les ksour de manière à offrir aux populations des espaces urbains collectifs à

vocation  sociale,  culturelle,  éducative  et  récréative  et  des  compléments  de  revenus  par  des aménagements destinés éventuellement à l’amélioration des conditions de vie ;

• associer les efforts de restauration purement technique et de réhabilitation sociale, culturelle et environnementale, redonnerait aux ksour la cohérence fonctionnelle, urbanistique

et la qualité architecturale et paysagère qu’ils sont en voie de perdre

la sauvegarde du patrimoine : enjeux, défis et perspectives

Le patrimoine architectural et culturel de l’oasis est immense.

Quel choix faire ? Faut-il attendre la restauration et la préservation de tout ce patrimoine

ou faire des choix ? Que va-t-on restaurer et préserver ?

Pourquoi le restaurer et le  préserver ? Et pour qui le restaurer et le préserver ?

Face aux dangers qui touchent le patrimoine architectural et culturel des ksour de Figuig

et à l’ampleur des négligences ou à l’insensibilité vis-à-vis de ce patrimoine dans la gestion urbaine, l’objectif premier semble être de mémoriser, archiver et préserver les traces (écrites, graphiques, photographiques, construites, etc.) destinées à assurer la pérennité de ce patrimoine menacé.

Mais,  très  vite,  il  faut  lancer  des  opérations  pilotes  de  restauration  et  de  préservation,  même si elles sont très petites, mais dans le cadre d’un programme concerté entre tous les  acteurs.  La  revitalisation  et  la  sauvegarde  du  patrimoine  ne  doivent  pas  se  limiter  à une opération de restauration d’un patrimoine physique mais prendre en considération ce patrimoine architectural et la mémoire, afin de mettre en relation la connaissance et la

vitalité  de  la  ville  ancienne  avec  le  développement  de  la  ville  d’aujourd’hui  et  de  la  ville future. Car, au-delà du cadre physique qui le constitue, le patrimoine est porteur et témoin d’autre chose que de sa simple matérialité.

Il est siège et repère de relations plurielles, de témoignages historiques.

Il est réceptacle d’urbanité et vecteur de pratiques et de valeurs culturelles qui s’y archivent  dans  le  temps.  Il  est  porteur  et  vecteur  d’un  esprit  qui  l’habite  et  qu’il  transmet  de génération en génération. Une urbanité qui identifie les citoyens à leur cité et la cité à ses citoyens préservent leurs patrimoines identitaires. Plusieurs questions se posent :

• l’oasis a survécu (patrimoine naturel et patrimoine culturel) grâce à une gestion rigoureuse des ressources en eau, quels sont les moyens de préserver cette ressource rare ?

• l’oasis, de tous temps un carrefour économique, culturel, et social, veut-on la développer pour et avec ses habitants, ou la restaurer pour la transformer en un musée à ciel ouvert ?

• l’oasis, comme héritage culturel et système agro-économique, a connu une relation de

complémentarité  entre  plusieurs  activités  qui  sont  aujourd’hui  en  déclin,  est-ce  que  le  développement d’une activité de tourisme durable peut être une alternative ?

Comme nous l’avons constaté, il existe encore différentes perceptions entre l’oasis d’abondance et l’oasis comme milieu de production agricole. Les deux perceptions aujourd’hui se confrontent et nous mettent devant une problématique évidente : la survie des oasis tient-elle encore d’une production autosuffisante en complémentarité avec d’autres activités ou devient-elle un milieu de production intensive ?

On parle alors de création de barrages pour l’irrigation, de forages, de réseaux d’électricité,

de  reboisement  et  de  protection  par  la  création  de  parcs  nationaux,  d’amélioration  des  conditions de vie des populations, de défense et restauration des sols.

Qui sauvera les oasis ?

Devrons-nous compter sur la nouvelle force économique du tourisme ?

Les ksour de Figuig constituent un terrain propice pour la promotion du tourisme, vu leur caractère exceptionnel, la qualité de leurs sites et les possibilités d’accueil qu’ils peuvent offrir, mais la question est : quel tourisme peut-on développer ? En liaison avec la préoccupation générale d’un développement durable des oasis, le patrimoine ksourien, par le biais du tourisme écologique et culturel, peut être l’un des générateurs durables d’activités et d’emplois. Les ksour, une fois restaurés, peuvent devenir des centres d’accueil des visiteurs, permettre la sauvegarde de la mémoire urbaine et devenir une raison pour les populations locales de retrouver et de croire en leurs racines et en l’espoir. Les enjeux économiques de la mise en valeur du patrimoine ksourien sont multiples,

diverses  activités  peuvent  être  générées  par  ce  processus  :  les  travaux  de  conservation 

ou de restauration des ksour, en utilisant les technologies traditionnelles et culturales, devraient  mobiliser  les  artisans  locaux  en  même  temps  que  la main d’oeuvre  spécialisée  d’entreprises.

Les objets et édifices patrimoniaux restaurés et réhabilités engendrent de nombreux emplois liés à leur fonctionnement et à leur entretien. Leur valorisation touristique génère en plus des emplois dédiés à l’animation directe et indirecte des ressources patrimoniales...

Dans tous les cas, il s’agit de trouver une nouvelle fonction pour le bâtiment, digne de lui assurer une nouvelle vie respectant le cadre patrimonial. Tout projet ne doit pas manquer d’envisager  les  stratégies  de  «retour  aux  ksour». Il  serait  donc  nécessaire  de  s’intéresser  aux rapports qu’entretiennent les habitants qui ont quitté les ksour avec leurs habitations.

bien entendu, le tourisme culturel ne peut être le seul et unique outil de développement durable  des  ksour.  néanmoins,  réhabiliter  les  ksour  et  aider  les  habitants  à  se  les  réapproprier  pourrait  largement  contribuer  à  créer  une  dynamique  nouvelle  et  à  alléger  les problèmes du logement insalubre,  en satisfaisant les demandes de ces habitants en logements en redonnant une image positive à leurs lieux de vie. Le processus de réhabilitation des ksour doit se fixer comme premier objectif la lutte contre l’habitat insalubre.

L’amélioration  des  conditions  de  confort  à  l’intérieur  des  habitations  des  ksour,  et  spécialement l’amélioration des défaillances en matière d’assainissement, devrait favoriser le maintien des habitants dans les ksour.

Cela commence tout d’abord par la mise en place d’un cadre réglementaire permettant de maîtriser l’architecture à mettre en œuvre à l’occasion des projets de construction, de restauration ou d’extension des bâtiments dans la zone des ksour.

Pour ce faire, un complément est à porter au règlement du plan d’aménagement actuellement en vigueur. Ensuite, il faudrait définir un minimum de prescriptions architecturales à respecter, tout en laissant à l’homme de l’art la possibilité d’une innovation conditionnée.

De même, il apparaît de façon évidente qu’une carence au niveau réglementaire empêche pour l’instant toute protection des zones anciennes. Ce règlement fait actuellement l’objet d’une recherche par l’intermédiaire de l’Etude Architecturale des ksour de l’oasis de Figuig et par les normes architecturales validées par les élus, ainsi par le plan de gestion qui est en cours d’élaboration : nous ne devons pas attendre la mise en place ainsi que l’application de ces règlements spécifiques aux ksour pour lancer des actions de restaurations.

Il est urgent de lancer des opérations de restauration et de sauvegarde de l’oasis dans le cadre d’un programme de coparticipation entre tous les acteurs de la société civile pour

faire  de  l’écosystème  oasien  de  Figuig  un  espace  de  développement  culturel  et  naturel. 

Des exemples pilotes sont en cours de réalisation par des organismes nationaux et internationaux, comme l’Agence de l’Oriental, Africa’70, Paris VII, etc. 

Un « ensemble » répondant aux «Critères relatifs à l’inscription de biens culturels sur la liste du patrimoine mondial »  

L’ensemble  constitué  par  les  ksour  et  les  palmeraies  illustre  un  mode  d’implantation  saharien  qui  présente,  dans  l’oasis  de  Figuig,  un  caractère  spécifique  tant  par  l’unité  de sa structure que par la rigueur de son organisation. Les ksour de l’oasis de Figuig constituent

un « ensemble » répondant aux «Critères relatifs à l’inscription de biens culturels sur la liste du patrimoine mondial» IV et V énoncés par l’UNESCO, à savoir :

• le critère IV, «offrir un exemple éminent d’un type de construction ou d’ensemble architectural ou technologique ou de paysage illustrant une (ou des) période(s) significatives(s) de l’histoire humaine » ;

• le critère V, « constituer un exemple éminent d’établissement humain ou d’occupation du territoire traditionnel représentatif d’une culture (ou de cultures), surtout quand il devient vulnérable sous l’effet de mutations irréversibles ».Les sept ksour de l’oasis et leurs sites antérieurs forment, malgré leur dispersion spatiale,

un ensemble homogène. Ils sont la marque, aux portes du désert, d’une civilisation sédentaire urbaine et l’expression d’une culture originale qui a su, grâce à sa situation géographique éloignée des grands centres urbains modernes, préserver sa cohésion pendant le siècle passé (Guillaume, 2005, p. 43).

Pour ces raisons, il semble de plus en plus important, pour la sauvegarde de cet « exemple

éminent  d’établissement  humain  », qu’une  reconnaissance  internationale  lui  soit  accordée,  car  il  est  représentatif  de  la  culture  des  populations  amazighs  sahariennes  dont il constitue le cadre. Il offre, au demeurant, un exemple d’ensemble architectural caractéristique de la période de développement du commerce caravanier présaharien et transsaharien et il est un exemple de complémentarité entre espace bâti, espace agricole, entre nomades et sédentaires.

Source web par oriental

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