Le chapelet d'oasis de Tighmert, Région présaharienne du Wad Noun (Géoparc Jbel Bani)
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Le chapelet d'oasis de Tighmert, Région présaharienne du Wad Noun (Géoparc Jbel Bani)

Description

Le chapelet d'oasis de Tighmert, riche en éléments archéologiques, constituait le chef-lieu de la ville de Nul-Lamta, l'agglomération, capitale médiévale de la rive Nord-Ouest saharienne jusqu'au XVIe siècle. Il se présente aujourd'hui comme une série de palmeraies relevant de la commune rurale d'Asrir à 12 km au Sud-est de la ville de Goulmim à 200 km au Sud d'Agadir. Ce chapelet d'oasis, incarné par un ensemble de ksur (sing. ksar) suivant le fleuve Warg-n-Nun de l'amont vers l'aval. Il s'étale du Nord-Est au Sud-Ouest sous l'intitulé Ayt Bakkou, Taourirt, Ayt Massoud, Ayt Mhamad, Ayt al-Khannous, Asrir et Zraywila. L'oasis d'Asrir étant la limite Sud du Chapelet est séparée de Zraywila d'environ 30 km.

Le chapelet d'oasis de Tighmert incarne la partie Nord du territoire de la tribu des Azwafit. Matrice généalogique des tribus de la confédération des Talma, les Azwafit maîtres des chapelets d'oasis qui entourent Tighmart, font des vestiges de la cité de Nul-Lamta une série de palmeraies dont le territoire matérialise un écosystème très diversifié dans une zone subaride caractérisée par un étage arboricole dense où le palmier dattier offre un micro climat pour des cultures sous jacentes. De manière sporadique, les sources d'eaux du fleuve Warg-n-Nun alimentent les palmeraies de Nul-Lamta par de nombreuses résurgences de la nappe, jadis gérée selon les règles coutumières des ksur. Le chapelet d'oasis bénéficie d'un environnement de grande qualité dans une zone aride caractérisée par une pénurie de précipitations et la dominance pendant une longue période de l'année des vents de Chergui (secs) qui soufflent et détruisent toute forme de culture de bour.

Cette position au centre de la région longeant le fleuve Warg-n-Nun se traduit par une situation privilégiée où les marchés hebdomadaires et annuels (an-muggar) drainent un mouvement commercial intense, qui s'explique par la dynamique des activités transsahariennes. L'abondance des vestiges archéologiques dispersés à l'intérieur et aux alentours des palmeraies exige l'application des lois protectrices face à des entreprises de pillage de vestiges, d'où l'urgence de son classement. Conscient du problème, l'Equipe des Etudes Sahariennes Pluridisciplinaires (EESP) de l'Institut Universitaire de la Recherche Scientifique (lURS) Université Mohamed V- Rabat a élaboré une stratégie et un plan d'action, à la suite desquels un plan de protection du Chapelet d'oasis de Tighmart a été soumis à l’Agence de Développement des Provinces du Sud - Rabat et finalement au Ministère de la Culture.

Justification de la Valeur Universelle Exceptionnelle

A l'évidence, les établissements humains sont voués à disparaître dans un avenir très proche, laissés à l'abandon, ils s'écroulent. Cette disparition est certaine si aucune mesure de réhabilitation et de revitalisation n'est entreprise. Celle-ci passe nécessairement et non seulement par la reconnaissance de ce patrimoine matériel comme patrimoine national et international, mais aussi par la recherche de moyens de production et d'échanges pouvant offrir à la population locale les ressources nécessaires à son développement, sans pour autant porter préjudice à l'équilibre fragile de son patrimoine immatériel et aux particularités socioculturelles locales.

Aujourd'hui espace d'enjeu géostratégique, le chapelet d'oasis de Tighmart est un hinterland vecteur de développement économique. Son mode d'implantation se traduit par une appropriation accrue susceptible de réactiver la logique commerciale transsaharienne à partir d'un espace d'interface de nature à former un ensemble homogène de Ksûr susceptible d'incarner la marque d'une culture qui a su remettre les palmeraies en réseau à l'échelle territoriale en réintroduisant la notion de route, d'itinéraires et de chemins historiques. La proximité géographique des centres urbains, favorise un urbanisme vernaculaire adapté aux besoins de l'écosystème oasien par la simplicité et la pureté de ses formes, ce type d'architecture a revêtu une qualité de modèle formel pour l'architecture moderne.

A elle seule, l'appréhension de l'espace oasien présente un caractère universel par ses principes simples. L'adaptation au milieu géographique, à son architecture et son urbanisme et l'interdépendance spatiale et économique des entités constitutives d'une démarche globale, éclairent l'aspect indissociable du lien pastoral, rural et urbain pour une lecture de l'espace oasien où l'architecture et l'urbanisme traditionnels ne se trouvent plus définis par une période historique, mais par des principes à la base de la création. Il résulte que le chapelet d'oasis de Tighmart est représentatif d'un cumul de la culture du fond ethnique saharien dont il constitue le cadre. Les palmeraies offrent un ensemble architectural couplant bâti et jardins étagés, caractéristiques de tout ce qui fait du chapelet d'oasis de Tighmart une synthèse de l'interaction entre l'aspect humain, géographique et économico-culturel. Une fois introduite, la reconnaissance de ces aspects variés englobe les raisons et les formes de cette spécificité. Car, en mettant en œuvre ces différentes facettes, que ce chapelet d'oasis mérite de capter le regard selon les critères universaux.

Critère (iii) : La partie Sud de la cité de Nûl-Larnta, celle du versant et du contrebas de la colline d' Asrir et Tuflit al-Harratin, fait de l'agglomération une organisation politique dont les 8 données récoltées sur la morphologie, les modes de construction et d'occupation des maisons fournissent un corpus de premier ordre. Les vestiges encore visibles, montrent la genèse de l'organisation oasienne à partir de son économie complétée sensiblement par rapport celle fournie par les sources. L'organisation oasienne identifiable à travers les productions céramiques et les métaux peut être abordée et établie à partir des datations permettant de reprendre la problématique de la ville de Nûl-Larnta en apportant un témoignage de son histoire. Fermement préservée des menaces latentes des jalons chronologiques, cette agglomération a connu des moments d'expansion ou de régression que détruit le phénomène d'urbanisation et d'organisation spatiale prise dans son sens archéologique.

Critère (iv) : L'inscription du chapelet d'oasis de Tighmart en tant que vestiges archéologiques peut être étudiée selon les facteurs présentés ci-dessus. L'ensemble des édifices énuméré évoque les fonctions multiples de la cité de Nul-Lamta étendue sur son environnement naturel. La qualité architecturale ne pourrait être considérée d'un point de vue abstrait pour l'intérêt de ses fonctions passées.

Critère (v) : Jusqu'à ces dernières années, le patrimoine culturel, rarement considéré comme un facteur possible de développement, se présente à l'image d'une ressource économique non productive. Alors que les risques les plus graves sont les éléments liés aux attaques ravageurs qu'entraîne la dégradation sévère du patrimoine immatériel, les usagers ne se fixent jamais de concilier la préservation du patrimoine et le développement durable. Afin de traiter de la nécessité d'une action reposant sur la contribution de tous à la résolution des problèmes de conservation de la cité patrimoniale de Tighmart et son chapelet d'oasis, il importe de préciser que l'absence d'un programme de réhabilitation du patrimoine matériel et immatériel du chapelet d'oasis de Tighmart se traduit par le développement disproportionné des intérêts des nouveaux résidents.

Déclarations d’authenticité et/ou d’intégrité

Lieu de passage privilégié reliant la partie présaharienne de la vaste zone N-O de l'Ouest saharien, le chapelet d'oasis de Tighmart est avant tout un espace de vie. Anciennement dernière extrémité du monde saharien vers le Nord, il s'insère dans les derniers versants de l'Anti-Atlas, frontières naturelles intégrées aux habitudes architecturales de ceux qui se sont, les premiers, installés à proximité du Sahara, également identifiés comme ceux des mœurs réputées un peu trop frustes pour la vieille culture villageoise anti-atlassique. Derrière les deniers contreforts de l'Anti-Atlas, l'expression s'est figée pour substituer le toponyme Wad-Nun à la simple indication géographique. Connu de tous, des habitants du chapelet d'oasis de Tighmart, sont également des oasiens des montagnes avoisinantes de la région. Ils entretiennent de nombreuses relations avec les grandes étendus pastorales du Sud. Du chapelet d'oasis de Tighmart, ancien et non périphérique, nous retenons les caractéristiques toponymiques, leur localisation en tant que centre, les lignages prestigieux ayant appartenus au groupe des Azwafit, se sont fixés dans ces quartiers dans un mouvement continu depuis le début le VIe/XIIe siècle pointant les traits oasiens censés les caractériser. Depuis cet observatoire privilégié se déploie une interrogation sur un espace social dans lequel les dynamiques communautaires, celles des groupes agnatiques et des questions foncières notamment, cohabitent avec des codes plus individualisés, orchestrant des situations sociales inédites, produites par le développement d'un nouvel ordre urbain et régional.

Comparaison avec d’autres biens similaires

Le contexte comparatif du chapelet d'oasis de Tighmart avec des sites similaires classés comme patrimoine de l'humanité peut servir de trame de lecture et d'analyse. Les cités d'Ouadane, Chinguitti, Tichit, Oualata offrent un champ susceptible d'être investi par les recherches en sciences sociales. Les sources musulmanes aux alentours du Sahara atlantique signalent les liens entre ces cités et la ville de Nul-Lamta. Le nomadisme pastoral ayant permis le maintien d'une dynamique humaine dans ces régions arides depuis la fin de la dernière période humide du quaternaire, notamment dans le désert, asséché depuis trois à quatre mille ans, a permis l'établissement et le maintien de pistes caravanières qui reliaient Nul-Lamta à Ouadane, Chinguitti, Atar, Tichit et Oualata. Sur le plan architectural, Nul-Lamta rappelle grandement les traditions d'architectures de la Mauritanie. Les anciennes cités caravanières sont restées pendant des siècles les étapes traditionnelles de la grande voie saharienne. La cité de Tichit, autrefois la capitale de la région de Tagant, se situe sur la lisière méridionale du désert. Elle mène à la cité d'Oualata dans la région du Hawdh dans l'est de la Mauritanie, qui, jusqu'à une époque récente, eut une renommée prestigieuse, même s'elle ne forme aujourd'hui qu'une frontière naturelle qui vienne fragmenter et différencier ses parcours de nomadisation en aires nomadiques de faible étendue. Elle s'associe à Nul-Lamta par la somme des conditions géographiques ayant déterminé l'existence : d'une part, d'une classe de marchands et de leurs, villes de commerce où la culture de la terre avait été peu à peu négligée et où les vivres étaient apportés du dehors, et où les groupes pastoraux devinrent convoyeurs des caravanes de commerce formant en quelque sorte des corporations de transport à travers le Sahara. Comme la cité d'Oualata, l'une des principales villes de la caravane dans le sud du Sahara célèbre par l'art mural unique sur ses maisons situées sur la route de Tombouctou, Nul-Lamta contrôle le même réseau qui raccorde entre elles les villes de l'Adrar, du Tagant, de la Boucle du Niger telles que Tombouctou, Gao dont l'archéologie rappelle grandement les vestiges du chapelet d'oasis de Tighmert. L'art mural trouvé à Nul-Lamta et à Walata remonte à la période al-Murabitin (XIe siècle) où un certain nombre de musulmans d'al-Andalus ont séjourné. Autour de l'entrée principale de la maison et de la rue, cet art mural se poursuit jusqu'à la cour intérieure et l'intérieur des chambres. Aussi, les 14 designs par les mains, des nattes de paille et des tapis, sujets au changement, ont été introduits à partir du henné venu du Maroc.

Source web Par whc.unesco

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