Deux nouvelles chutes de météorites au Maroc reconnues à l'international (Géoparc Jbel Bani)
Deux nouvelles chutes observées de météorites au Maroc ont officiellement été reconnues par la Meteoritical Society, portant à 20 le total de chutes observées au Maroc reconnues officiellement par cette instance.
Le 9 mai dernier, le Comité de nomenclature (NomCom) de la Meteoritical Society a publié officiellement les déclarations de deux chutes de météorites au Maroc, à savoir "Wad Lahteyba" et "Al Farciya" dont les classifications et le travail scientifique ont été réalisés par une équipe de chercheurs de l’Université Hassan II de Casablanca, dirigée par Pr. Hasnaa Chennaoui, également membre du NomCom.
Où, quand et comment?
En 2019, deux chutes observées de météorites ont été reportées dans le sud du Maroc, dans la région Guelmim-Oued Noun, province Assa-Zag.
Les chercheurs du laboratoire GAIA, Université Hassan II de Casablanca, Faculté des sciences Ain Chock, les ont étudiées en partenariat avec un laboratoire américain (Institut of Meteoritics, The University of New Mexico, USA) et avec l’aide de chasseurs de météorites marocains, de l’Association marocaine des météorites et Attarik Foundation for Meteoritics and Planetary Science.
Le jeudi 27 juin 2019 à 17h00 (GMT+1), plusieurs témoins oculaires des provinces Sud du Maroc ont observé une traînée lumineuse de couleur jaune allant au rouge pendant quelques secondes. Elle se déplaçait du Sud-Ouest vers le Nord-Est. Aucune explosion n’a été signalée. Plusieurs chasseurs de météorites se déplacèrent vers le lieu potentiel de la chute pour en rechercher des morceaux. Deux jours plus tard, les premières pièces de la météorite ont été trouvées. Le nom utilisé par les chasseurs de météorites pour cette chute était "Lahmada".
Le mardi 20 août 2019 à 1h15 du matin (GMT+1), dans la même région de Lahmada Lbayda, non loin de Lmahbas, un autre météore a été vu par plusieurs habitants des environs. Les témoins oculaires ont décrit une boule de feu rouge traversant les nuages, suivie par deux explosions. La direction du bolide était du Nord vers le Sud. Dans la matinée, les recherches par un grand nombre de chasseurs de météorites ont commencé. Les premières pièces ont été collectées dans la soirée. Le nom qui a été utilisé pour cette chute était "Khdim Chham".
Identification et classification des météorites
L’association marocaine des météorites et un chasseur de météorites H. El Harbi ont procuré les échantillons des deux chutes et aidé les scientifiques dans la collecte d’informations de terrain pour avoir les coordonnées des météorites ramassées, leurs masses, et les noms et coordonnées des témoins oculaires.
Ces données sont fondamentales pour la déclaration des chutes de météorites auprès du Comité international de nomenclature de la Meteoritical Society (MetSoc). Cette instance est la seule au monde à valider les classifications des météorites.
Pr. Hasnaa Chennaoui, aidée par la doctorante Fatima Ezzahra Jadid du laboratoire GAIA, a réalisé les descriptions pétrographiques et minéralogiques ainsi que les mesures de la susceptibilité magnétique des échantillons des deux chutes. Les coordonnées géographiques ont été reportées sur les cartes topographiques du Sud du Maroc, afin d’avoir les noms de lieux les plus appropriés et permettre le tracé de l’ellipse de chute.
Les analyses géochimiques des minéraux par microsonde électronique ont été réalisées par le Pr. Carl Agee (Institut of Meteoritics, University of New Mexico, USA) référence mondiale dans l’étude de la matière extraterrestre.
Les travaux de recherche scientifique entrepris ont permis de faire la classification des deux chutes observées. Concernant la chute du 27 juin 2019, il s’agit d’une chondrite ordinaire de type H5 dont la masse totale a été estimée à 20 kg. Le nom qui lui a été attribué est "Wad Lahteyba".
Quant à la chute du 20 août 2019, elle a été classée comme une chondrite ordinaire de type L6 et sa masse totale a été estimée à 1.3 kg. Le nom qui lui a été donné est "Al Farciya". Ces noms sont ceux des localités ou lieux les plus proches de l’endroit des chutes.
Il est à noter que les chondrites viennent d'astéroïdes. Ce sont des roches primitives, qui contiennent des petites billes protosolaires qui s'appellent des chondres.
Ces deux chutes observées des provinces du Sud du Maroc ont été officiellement acceptées par le NomCom portant au nombre de 20 les chutes observées Marocaines. Sur ce total, le Pr. Chennaoui de l’Université Hassan II de Casablanca en a étudié et déclaré 14 depuis la météorite de Benguerir, tombée le 22 novembre 2004.
"Le Maroc est un pays très riche en météorites"
Jointe par Médias 24, Pr. Chennaoui nous confie que "le Maroc est très riche en météorites. Nous avons des quantités incroyables de météorites, et nous avons des personnes qui les ramassent".
"Parmi ces météorites, il y en a qui sont appelées des chutes observées, c’est-à-dire que des témoins oculaires les ont vues lorsqu’elles sont arrivées sur Terre".
"Depuis 2004, il y a eu 14 chutes observées sur le territoire marocain, et c’est quelque chose d’assez unique dans le monde", souligne-t-elle.
"En 2001, j’ai commencé à travailler sur les météorites du Maroc, afin de valoriser ces objets extraterrestres, qui ont une importance capitale pour pour mieux comprendre l’histoire de l’univers, la formation du système solaire et des planètes…", nous raconte Mme Chennaoui.
"Le travail que nous menons donne au Royaume une position internationale sur ce volet".
"La déclaration des chutes de météorites doit suivre un processus bien précis, validé scientifiquement et reconnu sur le plan international. Ainsi, pour faire reconnaître une météorite, celle-ci doit être validée par le Comité international de nomenclature de la Meteoritical Society - dont Mme Chennaoui est membre, NDLR-. C’est la société savante qui regroupe tous les chercheurs qui travaillent sur les météorites dans le monde".
"Ce processus passe par plusieurs étapes, notamment la classification et la déclaration… Une fois que le comité de nomenclature valide le travail soumis, la météorite devient officielle, c’est-à-dire, reconnue par tous les chercheurs, et les collectionneurs, avec des caractéristiques de classification et un nom propre à elle", explique notre source.
"Des noms marocains aux météorites marocaines, c'est ma bataille"
"C'est une bataille que je mène depuis 2001. Je veux donner des noms marocains aux météorites marocaines. Je tiens à leur donner cette paternité. Cela donne le prestige qu'il faut aux météorites qui viennent de notre pays."
Malheureusement, "la majeure partie de ces objets a été exportée. Les gens qui les collectaient dans le temps les vendaient à des collectionneurs. Avant, les météorites marocaines n'étaient pas bien documentées et n'avaient pas la nomenclature adéquate. Les chercheurs n'avaient aucune idée sur l'endroit d'où elles venaient exactement, et ne pouvaient pas donner les noms corrects. Il a donc été décidé de dire que ces pièces viennent de la zone du 'Nord West Africa'. Elles avaient donc une nomenclature générique 'Nord West Africa (NWA) avec un chiffre (NWA 001, 002...). On est actuellement à plus de 13.000".
"Comme je le dis souvent dans mes conférences, c'est comme si on disait: une femme a 5 enfants, qui s’appellent Ahmed 1, Ahmed 2, Ahmed 3…, comme s'il n'y avait pas assez de noms de lieux au Maroc!".
Quid du choix du nom? "Le choix du nom des météorites se fait, de manière générale, en fonction des lieux où elles ont été retrouvées, collectées ou tombées. Si une météorite tombe par exemple à Casablanca, elle prendra le nom de Casablanca. Les météorites ne portent pas des noms de personnes ou d’événements, mais les noms des villes ou des lieux géographiques".
"Je tiens toutefois à noter que tout ce travail est réalisé en partenariat avec Attarik Foundation, qui aide à la promotion des sciences des météorites et de la planétologie au Maroc, mais aussi à la vulgarisation de ces notions au Maroc, y compris dans les villages".
Le 22 mai 2020
Source web par : medias24
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