Perspectives : valorisation du patrimoine du Pays de Talssint pour Professeur Mohamed BEnBRAHIM
Professeur Mohamed BEnBRAHIM
Ancien doyen, Université Mohammed Premier d’Oujda
Pratiques communautaires identitaires et développement local ;
cas du Pays de Talssint (Oriental marocain)
Perspectives : valorisation du patrimoine du Pays de Talssint
notre réflexion ponctuelle et thématique sur un aspect du patrimoine culturel (matériel
et immatériel) du Pays de Talssint, les réalités et les enjeux, qu’il couvre, permet de prendre
conscience de l’étendue du champ patrimonial de l’étude et de sa complexité, mais aussi
de l’urgence de sa mise en valeur en tant que ressource spécifique territoriale.
Aujourd’hui encore, le moussem de Moulay Ali ben Ameur manifeste toujours une vitalité indéniable. Il possède un fort pourvoir mobilisateur de fidèles qu’il réunit autour d’un lieu (sanctuaire) et d’une activité (bowdar), tous deux chargés de sens, et convoque la société seghrouchnie à vivre temporairement ensemble tout en revitalisant collectivement la communauté. La disparition de ces pratiques communautaires ne semble pas pour demain et l’attachement à leur ancêtre éponyme et à leurs traditions, les Seghrouchnis le démontrent avec beaucoup de conviction.
En termes pratiques, et sur le long terme, la collectivité territoriale de Talssint entend bien
promouvoir davantage et mettre en valeur cet événement cyclique qui constitue une
ressource spécifique territoriale et une source de revenu local durable.
Mais, la mise en valeur de ce patrimoine ne peut être cernée et appréciée que si elle est
mise en relation avec les autres facettes du patrimoine du Pays et de toute la Région de
l’Oriental qui revient, en quelque sorte, à adopter une approche territoriale qui complètera
l’approche thématique déclinée dans ce travail. Ce maillage permet de structurer l’offre
sur le terrain, à l’échelle de la Région comme à l’échelle de territoires plus limités mais marqués par des spécificités, capables de confronter le contexte de la compétitivité territoriale
par sa visibilité et son attractivité.
Or, pour l’heure, le patrimoine de la Région de l’Oriental est insuffisamment perçu et n’a
pas encore fait l’objet d’un effort systématique et concerté d’identification, de consignation et de documentation, à même de décliner des projets de territoires où la ressource patrimoniale constitue à elle-même l’objet du développement.
Patrimoine du Pays de Talssint et offre touristque
Outre un patrimoine important qualitativement et quantitativement, le patrimoine du
Pays de Talssint présente à la fois une certaine unicité et une grande variété patrimoniale.
Il se distingue en effet nettement de ses voisins (oasis de la Province de Figuig, Hauts Plateaux de l’Oriental, moyenne Moulouya).
Cette double réalité doit permettre la réalisation de projets touristiques culturels de qua-
lité, que se soit à l’échelle régionale nationale ou internationale, mettant en avant son originalité mais aussi son attractivité. Cependant, en évaluant de manière générale la place
de ce patrimoine au sein de la valorisation touristique de la Région de l’Oriental, on peut
se rendre compte de ce qui suit :
• l’absence de toute référence ou document (guide par exemple) régional mentionnant ce
patrimoine (d’ailleurs, cette lacune aux échelles régionale et nationale est plus ou moins
révélatrice) ;
• les thématiques du patrimoine du Pays de Talssint ne semblent pas avoir été identifiées
ou reconnues comme des richesses de la Région de l’Oriental, au même titre que le patri-
moine oasien ou les agrumes de Triffa par exemple ;
• au niveau de la communication régionale, un véritable manque est donc à combler pour
faire connaître le patrimoine du Pays de Talssint au grand public ;
• Internet, vecteur d’information incontournable à l’heure actuelle, est utilisé de façon médiocre pour la mise en valeur du patrimoine de la Région de l’Oriental et, que ce soit sur
les sites de l’Agence de l’Oriental, de la Wilaya, du Conseil de la Région, voire des Collectivités locales, le patrimoine en général, culturel en particulier, apparaît dans l’ensemble sous-médiatisé, ce qui rejoint le constat dressé sur les guides touristiques régionaux, une situation qui laisse supposer un intérêt tout relatif accordé au potentiel touristique de ce patrimoine ou bien une certaine méconnaissance de ce potentiel ;
• chez les acteurs du patrimoine et du tourisme, il semble que le concept de patrimoine
culturel reste encore à découvrir et que l’intérêt de cette problématique reste à saisir, car il
est assez peu valorisé et exploité touristiquement.
La sous-médiatisation et l’absence de mise en connaissance du patrimoine culturel dans
les guides et les sites Internet à vocation touristique, semble donc correspondre à une
réalité au niveau des actions de valorisation et de développement touristique (due probablement au caractère novateur et à l’originalité du concept de patrimoine culturel).
Comment contribuer donc, à partir de ce constat, à valoriser le patrimoine du Pays de
Talssint, en vue du développement local et régional, dans le contexte du grand projet
structurant touristique balnéaire de Saïdia, où l’arrière-pays est considéré comme l’une
des priorités, d’une part, et, d’autre part, à développer le tourisme basé sur le patrimoine
grâce à la récente approche du tourisme par la culture déclinée par le Ministère du Tourisme dans sa stratégie pour la décennie 2010-2020 ?
Actions pour la valorisation du patrimoine du Pays de Talssint :
l’approche médiatisation
Aujourd’hui, l’image médiatique du patrimoine est en pleine mutation et les moyens modernes de la communication permettent à ce patrimoine de participer pleinement à la vie économique et sociale. En même temps, la médiatisation du patrimoine apporte un
éclairage sur l’héritage commun.
Les pistes dégagées pour une meilleure mise en valeur du patrimoine du Pays de Talssint,
valables pour d’autres territoires, s’organisent comme suit :
• déployer une dynamique autour du patrimoine du Pays de Talssint par l’amélioration de
sa connaissance auprès du grand public ; à ce propos un ouvrage présentant le « Portrait
identitaire et patrimonial du Pays de Talssint (Oriental marocain) » est en cours d’achèvement, avec une documentation qui combine textes et images, facilement accessible ;
• en parallèle, un site Web est en cours de finalisation, favorisant la médiatisation de ce patrimoine ; il complète d’ailleurs par l’image, le son et l’interactivité, l’ouvrage en question ;
• participer aux manifestations scientifiques et culturelles, à l’échelle nationale et internationale, par la communication et la publication, en vue d’une ouverture plus large sur le
patrimoine du Pays de Talssint, ce qui, implicitement, demande à renforcer et étendre la
recherche sur le patrimoine de la Région de l’Oriental ;
• réfléchir aux expositions itinérantes en développant une approche par l’image, permettant de saisir d’une autre manière les thématiques du patrimoine (approche posters) ;
• enfin, gagner en qualité du discours pour sensibiliser les acteurs du patrimoine et du
tourisme, et travailler avec les associations et les collectivités locales.
Les deux dernières propositions sont à travailler sur le court et le moyen termes.
En guise de conclusion
Le moussem de Moulay Ali ben Ameur est une forme illustrative du patrimoine culturel (cultuel) du Pays de Talssint, au cours duquel la ruralité des Aït Seghrouchen est mise en scène. C’est un patrimoine complexe où le sacré et le profane se croisent et se confortent, attestant le caractère identitaire des pratiques communautaires profondément inscrites dans la société seghrouchnie .C’est dire que ce pays possède de solides atouts susceptibles d’attirer un tourisme culturel et de découverte.
La démarche qui a prévalu dans ce travail s’inscrit dans le cadre théorique actuellement
travaillé autour des notions de ressource territoriale et de développement local.
L’entrée par le thème du patrimoine et du développement révèle de façon renouvelée les
dynamiques à l’œuvre dans le milieu rural et donc l’avenir de la géographie des territoires
ruraux. Consacrée aux dynamiques territoriales, l’approche culturelle permet de considérer les relations entre culture et patrimoine, la place qui leur est accordée dans les politiques de développement, dans les pratiques associatives, étatiques et des collectivités territoriales, c’est-à-dire dans la dynamique et dans la recomposition des territoires ruraux. Ainsi, l’espace rural serait un lieu où s’affirme l’évidence patrimoniale.
n’est-ce pas là une façon de réhabiliter les cultures et les patrimoines ruraux, mais aussi la
campagne marocaine ? Dans un contexte de concurrence généralisée entre les territoires,
la qualité et l’innovation apparaissent comme des moteurs essentiels de la compétitivité.
Ainsi, en prenant part aux dynamiques territoriales, le patrimoine acquiert un statut et une
force renouvelée. Il permet aux territoires d’asseoir leur légitimité.
néanmoins, il est essentiel de favoriser la recherche et la réflexion afin de développer une
meilleure connaissance et une appréciation globale des attributs et caractéristiques des
paysages patrimoniaux, de leur diversité et des composantes socioculturelles qui ont
contribué à façonner ces paysages.
Cependant, s’il est indéniable que la dimension patrimoniale, au sens large, est une entrée
pour analyser les dynamiques territoriales des espaces ruraux, celle-ci permet surtout de
ne pas oublier que les campagnes ne sont pas seulement un conservatoire, mais que des
hommes et des femmes y vivent : « la culture des gens et la culture pour les gens tout d’abord» écrivait bernard kayser (1977).
Références
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D., nieddu M., Vivien F.-D. (dir.), Réinventer le patrimoine : de la culture à l’économie, une
nouvelle pensée du patrimoine? - Paris, L’Harmattan, pp. 109-120.
• Bernard kayser., 1977. Patrimoine et gestion de l’espace rural. L’exemple de l’Espinouse,
études rurales, 65 - Pouvoir et patrimoine au village.
• Desvaillées A., 1998. Cent quarante termes muséologiques ou petit glossaire de l’exposition. Manuel de muséographie, Paris, Séguier. pp. 228-229.
• Debarbieux, B., 1996, « Le lieu, fragment et symbole du territoire » - Paris, Espaces et Sociétés, n° 82-83.
• Di Méo G., 1994, « Patrimoine et territoire, une parenté conceptuelle » - Paris, Espaces et
Sociétés, n°78, pp. 15-34.
• Greffe X., 1990, La valeur économique du patrimoine. La demande et l’offre de monu-ments - Paris, Anthropos-Economica.
• François H., Hirczak M., Senil n., 2006, « Territoire et patrimoine : la co-construction d’une
dynamique et de ses ressources » - Revue d’Economie Régionale et Urbaine, n° 5, pp. 683-
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• Mayeur-Jaouen, C., 2000, « Tombeau, mosquée et zâwiya : la polarité des lieux saints musulmans », dans A. Vauchez (dir.), Lieux sacrés, lieux de culte, sanctuaires. Approches terminologiques, méthodologiques, historiques et monographiques, école Française de Rome, pp. 133-147.
• Pecqueur b., 2002, « Dans quelles conditions les objets patrimoniaux peuvent-ils être
support d’activités ? », Revue Montagnes Méditerranéennes, n° 15, Mirabel, pp. 123-129.
Source web par oriental
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