Homo sapiens : le crâne de l'ancêtre commun enfin révélé ?
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Homo sapiens : le crâne de l'ancêtre commun enfin révélé ?

Deux paléoanthropologues, Aurélien Mounier, chercheur CNRS au laboratoire Histoire naturelle de l'Homme préhistorique, et Marta Mirazón Lahr, professeure à l'université de Cambridge (Royaume-Uni) ont utilisé des méthodes mathématique et génétique pour prédire et reconstruire sur ordinateur la forme typique du crâne d'un ancêtre commun à tous les Homo sapiens il y a 300 000 ans.

Nos idées sur l'évolution humaine ont beaucoup changé au cours de la dernière cinquantaine d'années. On ne pense plus, par exemple, que la célèbre Lucy, et pas même plus généralement les australopithèques, soient des représentants d'une branche des hominines qui aurait donné en évoluant le genre Homo. Lui-même est devenu buissonnant avec de nombreuses branches collatérales et pour compliquer le tableau, il est devenu de plus en plus clair en ce début du XXIe siècle que des hybridations sont intervenues.

Par contre, il est toujours vrai qu'il reste difficile de trouver l'ancêtre commun de deux espèces pour des organismes vivants de grande taille, alors que ce n'est pas le cas pour des organismes beaucoup plus petits, en particulier les micro-organismes planctoniques (foraminifères, radiolaires, ostracodes, etc.). Les raisons en sont simples dans ce dernier cas, ces êtres vivants sont beaucoup plus nombreux et sont naturellement présents dans des milieux qui conduisent facilement à la conservation de formes fossilisées.

Il semble aussi que les grands organismes vivants ont une évolution qui est bien décrite par la théorie des « équilibres ponctués ». Les espèces y resteraient stables sur des durées de l'ordre de quelques milliers ou millions d'années, avant d'en donner des nouvelles en quelques centaines ou dizaines de milliers d'années tout au plus. Difficile dans ces conditions de conserver un grand nombre d'enregistrements de la spéciation.

Modélisation du crâne du plus vieil ancêtre commun à tous les Homo sapiens et Homo neanderthalensis. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Cambridge University

Trouver des fossiles nous éclairant sur l'apparition d'Homo sapiens reste donc de l'ordre de la gageure. Nos connaissances de l'anatomie du genre Homo, de ses lois biologiques et les moyens modernes fournis par l'informatique permettent cependant de tenter de pallier ce manque comme le prouve un article publié dans Nature Communications par Aurélien Mounier, chercheur CNRS au laboratoire Histoire naturelle de l'Homme préhistorique (CNRS/Muséum national d'Histoire naturelle), et Marta Mirazón Lahr, professeure à l'université de Cambridge (Royaume-Uni).

Phylogénétique et méthode morphométrique, les clés du succès

Les deux chercheurs ont mis en pratique une partie de la même stratégie qui leur avait permis, il y a quelques années, de proposer un crâne virtuel pour le dernier ancêtre commun à Homo neanderthalensis et Homo sapiens à partir de méthodes de reconstitution en 3D et des techniques d'estimations statistiques, utilisant comme base des points morphométrique pris sur des crânes fossiles du Pléistocène à aujourd'hui. À l'époque, le crâne obtenu ressemblait étonnamment à celui d’Homo heidelbergensis.

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Modélisation de l’ancêtre commun (virtuel) à tous les membres de notre espèce, Homo sapiens. © Aurélien Mounier, CNRS/MNHN

On peut plus ou moins voir cette approche comme de la biologie théorique interpolant des points sur une trajectoire évolutive pour prédire à quoi devrait ressembler le crâne d'une étape de l'évolution du genre Homo. En l'occurrence, les deux chercheurs proposent aujourd'hui un crâne virtuel pour l'ancêtre commun de tous les Homo sapiens. Peut-être trouvera-t-on un jour un vrai fossile de crâne d'un de ces représentants qui aurait vécu il y a environ 300.000 ans, et qui semble, au moins dans sa forme virtuelle, étonnamment moderne, comme l'explique un communiqué du CNRS.

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont cette fois-ci pris des mesures de points morphométrique sur 263 crânes fossiles et modernes correspondant à 29 populations d'hominines. La trajectoire évolutive des éléments du squelette a été corrélée à des informations génétiques ayant permis de dresser un arbre de parenté entre les membres de ces 29 populations.

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Arbre représentant les 29 populations humaines étudiées, fossiles et actuelles. Les crânes gris sont tirés de l’échantillon utilisé pour reconstruire celui de l’ancêtre virtuel (en rouge). De gauche à droite : KNM-ER 3733 (H. ergaster), La Ferrassie (H. neanderthalensis), Qafzeh 6 (H. sapiens fossile), Kh-1739 (Afrique du sud, Khoikhoi), AUS001 (Australie), Eu.34.4.1 (Hongrie), EAS-ORSA0427 (Chine) et NA82 (Huron, Canada). © Aurélien Mounier, CNRS/MNHN

En bonus, si l'on peut faire confiance à ce crâne virtuel en le comparant à ceux bien réels d'Homo africains fossiles, âgés de 130.000 à 350.000 ans, la simulation numérique rend encore plus crédible l'existence d'hybridations, en l'occurrence entre des populations du Sud et de l'Est de l'Afrique, comme l'explique le communiqué du CNRS qui ajoute que : « Cette étude éclaire aussi l'histoire de notre espèce hors d'Afrique : elle soutient l'hypothèse, établie par d'autres chercheurs sur la base d'analyses  génétiques, selon  laquelle,  suite  à une  première  sortie d'Afrique qui n'a laissé de traces qu'en Océanie, une deuxième aurait permis à Homo sapiens de peupler successivement l'Europe, l'Asie, et enfin l'Amérique. ».

Modélisation du crâne du plus vieil ancêtre commun à tous les Homo sapiens, grâce à l'analyse 3D de 263 crânes fossiles et modernes d'hominines. En comparant le « fossile virtuel » ainsi créé à cinq crânes de fossiles africains contemporains de l’apparition d’Homo sapiens, les chercheurs ont pu reconstituer une partie de l'histoire de notre espèce. © Aurélien Mounier, CNRS/MNHN

Publier Le  10/09/2019

Source web Par futura-sciences

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