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LES "CŒURS" DE TATA ET LEURS DÉRIVÉES : GÉOMORPHOSITES EMBLÉMATIQUES POUR UN GÉOTOURISME INCONTOURNABLE DU SUD MAROCAIN
Par FADLI Driss
Faculté des Sciences de l’Université Mohammed V Agdal, Rabat.
E-mail: dfadli@yahoo.fr
La région de Tata se situe dans la zone présaharienne du sud marocain. En empruntant les principaux circuits routiers de cette région, certains versants de la chaîne orogénique hercynienne bordant les Oasis montrent des dépressions d’envergure métrique, décamétrique et hectométrique dont le contour de certaines couches géologiques saillantes dessine une dépression en forme de cœur, ayant la pointe dirigée vers le bas (fig.1).
Ces dépressions, uniques dans leur genre, présentant une sculpture naturelle particulièrement éloquente très répandue dans la région de Tata. Il s’agit de véritables chefs d’œuvres de la nature qu’on appellera les cœurs de Tata. Leur valorisation en tant que monuments géologiques à des fins géotouristiques, commence d’abord par les faire connaître en faisant un inventaire de leur existence dans l’espace géographique de la région et en répondant à un certain nombre de questions à leur sujet : comment les repérer ? pourquoi se sont-elles concentrées dans la région de Tata ? comment se sont-elles formées ? quels sont les paramètres géodynamiques qui ont conditionné leur morphogénèse ? Quelles relations morphogénétiques peut-on établir entre les cœurs de Tata et les autres géomorphosites de la région ? Quels sont les impacts de cette valorisation sur le développement éducatif, culturel et socio-économique du sud marocain ? Tant bien de questions auxquelles on tentera d’apporter des réponses dans ce travail.
1. LES CARACTÈRES MORPHO-STRUCTURAUX DES CŒURS DE TATA
Les "cœurs" de Tata présentent plusieurs particularités morpho-structurales. Ils sont façonnés dans des roches sédimentaires présentant des fléxures ou faiblement plissés avec un grand rayon de courbure. Les couches géologiques sub-horizontales de la série plissée ou arquée caractérisent le sommet du cœur et du versant ; alors que les couches inclinées vers l’observateur dessinent le reste de la dépression. L’axe de symétrie de cette dernière se localise généralement à mi-pente du versant.
On peut rencontrer les "cœurs" de Tata soit individuellement ou en groupe dans la direction longitudinale des versants. En groupe, ils sont plus ou moins régulièrement espacés selon un alignement horizontal ou légèrement incliné. Cette disposition est donc étroitement liée à la structure géologique et à la nature lithologique des couches affectées par l'érosion. Ils ont une envergure métrique et surtout hectométrique et ils sont isométriques ou hétérométriques. Lorsqu’ils se trouvent dans un alignement, les cœurs de Tata ne sont pas forcément uniformes et homogènes ; leur géométrie dépend de l’état d’avancement des processus de l’altération et de l’érosion.
2. LES CONDITIONS MORPHOGÉNÉTIQUES
La concentration des géomorphosites en forme de cœur autour de la ville de Tata résulte d’au moins cinq paramètres qui sont liés entre eux :
2.1. La nature lithologique des roches
Les "cœurs" de Tata sont façonnés dans les roches appartenant à l’Ediacarien terminal, au Paléozoïque inférieur (niveaux 2,4, 5 13 et 14 de la figure 2). Ces roches sont constituées de calcaires, de grès calcaire et de grès avec des intercalations plus ou moins importantes de niveaux argileux et pélitiques. La présence de ces dernières ont facilité la plasticité de l’ensemble rocheux au moment du plissement hercynien donnant naissance à des plis ayant un style assez particulier.
2.2. Le style de plissement
Le raccourcissement du cycle hercynien de l’Anti-Atlas est marqué par une déformation ductile de la couverture paléozoïque très modérée, caractérisée par des flexures et par des plis de plus en plus denses au fur et à mesure qu’on s’approche des noyaux précambriens. Ces derniers forment les cœurs anticlinaux des méga-plis.
Les plis sont décamétriques à hectométriques, à grands rayons de courbures, isopaques, généralement dissymétriques à flanc long et flanc court. C’est au niveau des flancs longs que se développent les dépressions en forme de cœur.
Localement, on peut observer d’autres types de plis qui résultent d’un décollement au sein de la couverture paléozoïque à cause de l’amortissement de la déformation. Les plissements dysharmoniques sont présents et mieux développés au voisinage immédiat des boutonnières du Précambrien, s’amortissent dans les couches plus récentes.
2.3. La densité des diaclases
Les diaclases sont définies comme étant des fractures ouvertes sans mouvement relatif des deux compartiments qu’elles séparent et ne montrent aucun signe de broyage ou écrasement. Il s’agit d’éléments structuraux très répandus dans le globe terrestre, mais peu étudiées par la communauté géologique.
Pourtant ce sont des éléments incontournables intervenant dans l’évolution géomorphologique des reliefs à différentes échelles d’une région donnée. La genèse des réseaux de diaclases est étroitement liée aux cycles orogéniques et à des évènements tectoniques qui les ont accompagnés (distensions, compressions, exhaussements, subsidence…). Elle est facilitée par des facteurs externes telles que la pression fluide, la contraction thermique, les contraintes résiduelles (Engelder, 1985 ; Suppe, 1985). Leur expression dépend, entre autres, de la compétence des roches.
Dans la région de Tata on remarque une très grande densité de diaclases qui s’organisent en plusieurs familles et parmi lesquelles une peut distinguer celles qui sont liées aux plissements régionaux et celles liées à des fractures locales (fig.3). Ces diaclases ont joué un rôle fondamental dans la morphogénèse des paysages caractéristiques de l'Anti-Atlas, car, ces fissures peuvent s'élargir et ménager un sillon bien marqué qui sera emprunté par un filet d’eau pour entamer et poursuivre les processus de l'érosion. Autrement-dit, toutes ces fissures sont autant de points de pénétration pour l’eau météorique qui vient dissoudre et ronger la roche peu à peu et dont leur géométrie peut se répercuter directement sur la morphogénèse.
2.4. Les processus de l’altération et d’érosion
Les processus de l’altération de l’érosion à l’origine des "cœurs" de Tata sont très divers aussi bien dans le temps que dans l’espace. Il s’agit de l'altération physique, l'altération biologique, l'altération chimique telle que la mise en solution (solubilité des roches siliceuses ou carbonatées), l’hydratation, la déshydratation, l’hydrolyse, l'oxydation et la réduction. L’érosion éolienne, la corrosion, l’érosion torrentiels, le ruissellement et l’érosion fluviatile ont également joué un rôle fondamental dans leur morphogénèse.
2.5. Les conditions climatiques récentes
La région de Tata se trouve à la limite des étages bioclimatiques entre le domaine semi-aride et le domaine saharien ; elle est à l’abri de l’influence climatique océanique occidentale. De ce fait, il y a absence de végétation au niveau des collines qui sont alors très vulnérables à l’érosion en offrant une vue nette des paysages et des structures géologiques. En dehors de ce secteur, vers le nord et l’ouest, le taux d’humidité est relativement élevé; ce qui permet l’installation d’une végétation au niveau des reliefs riche en arganier. Dans ce cas les géomorphosites en forme de cœurs sont dénaturés par l’altération chimique et biologique et ils sont masqués en grande partie par la végétation.
3. MORPHOGENESE
Dans la région de Tata les familles de diaclases les plus fréquentes sont les diaclases transversales (perpendiculaires aux couches géologiques) plus ou moins régulièrement répétitives et les diaclases longitudinales ayant la même direction que les plans de stratification. Les points d’intersection de ces deux familles de fractures constituent les zones la plus vulnérables au processus de l’altération et de l’érosion. Par ailleurs, on rappelle les séries plissées présentent souvent des ouvertures à l’extrados qui favorisent la circulation de l’eau météorique et par conséquent l’accélération des processus de l’érosion. Ces ouvertures peuvent fusionner avec les diaclases longitudinales au niveau de la charnière des plis ouverts ; ce qui rend les points d’intersection cités plus haut encore plus vulnérables.
A partir de ces points, la morphogénèse débute par la naissance de crevasses de forme généralement lenticulaire. Suite à une érosion régressive, la première couche façonnée laisse apparaitre la strate de dessous. Au fil du temps ce processus d’érosion régressif se poursuit latéralement et verticalement permettant aux crevasses de s'élargir davantage et de s'approfondir en laissant apparaitre des couches géologiques de plus en plus anciennes et en dessinant au sein des versants des dépressions en forme de cœur régulièrement espacées et alignées. L’apparition de la première dépression en forme de cœur correspond à un stade d’érosion dit de maturation (fig.4).
4. LES FORMES DERIVEES
A des stades très avancés de l’érosion par rapport au stade de maturation, le modelé en forme de cœur peut aussi évoluer en d’autres entités topographiques et géomorphologiques qui sont également typiques de l’Anti-Atlas et dont les grandes lignes structurales correspondent aux cœurs de Tata. Cela explique la très grande diversité des paysages dans la région de Tata qu’on peut grouper en six ensembles distincts : les formes évasées, les formes en feuilles, les gouffres d’Ait Oubelli, les vallées en forme de banane, les versants en forme cagoules, les cuestas et les formes complexes.
5. LES FORMES ASSOCIEES
La morphogénèse des "cœurs" de Tata est toujours accompagnée d’autres types de géomorphosites dits annexes parmi lesquels on cite le modelé de type "fer à repasser" où les couches géologiques monoclinales présentent des chevrons, le modelé en "croissants" où les couches peuvent dessiner des arcades, les géomorphosites des séries plissées et le paysage karstique ruiniforme d’Imitek.
6. CONCLUSION
Par leurs caractères remarquables paysagers, esthétiques, uniques, symboliques, scientifiques et culturels, les "cœurs" de Tata peuvent être considérés comme étant des géomorphosites emblématiques du Sud marocain. Ils sont l'expression d'un patrimoine géologique collectif unique dans son genre et pittoresque qui contribuera largement à l’identification de l’image de la région de Tata.
Les "cœurs" de Tata sont des paysages identitaires qui incarnent des particularités pouvant attirer la sensibilité du grand public en lui offrant une nouvelle perception des paysages du sud marocain.
En plus du caractère esthétique, l’étude des "cœurs" de Tata permet au grand public de faire une lecture paysagère scientifique et pédagogique d’environ 80% des géomorphosites de la région. Leur valorisation c’est de les recenser, de les protéger et de les faire connaître par le biais de divers supports de communication convaincants, repérés et opérationnels. Cela permet une augmentation significative du nombre de visiteurs au sud marocain.
Source web par : FADLI Driss