ʻOumuamua serait bien une comète
Rebondissement dans la détermination de la nature du fameux astéroïde interstellaire 'Oumuamua. La mesure précise de sa trajectoire indique un mouvement anormal qui ne s'explique que par un très léger dégazage... du type de celui d'une comète, même si aucune queue n'est visible.
Lorsqu'il a été repéré le 19 octobre 2017 par le télescope Pan-Stars 1, installé sur l'observatoire du Haleakalā, à Hawaï, l'objet désormais mondialement célèbre sous le nom de 'Oumuamua a d'abord été classé comme une comète, en l'occurrence C/2017 U1. D'autres télescopes sont rapidement entrés dans la danse dans les semaines qui ont suivi pour préciser ses paramètres orbitaux, sa composition et sa forme, comme le télescope Canada-France-Hawaï (CFHT), le VLT de l'ESO et le télescope Gemini South au Chili. Ils ont révélé plusieurs caractéristiques intrigantes, comme une forme très allongée et surtout l'excentricité orbitale la plus élevée jamais observée pour un petit corps céleste : 1,20. Une telle excentricité indique une orbite hyperbolique et une vitesse élevée, qui ne sont pas compatibles avec un objet appartenant au Système solaire. Passant plus près du Soleil que la Terre, C/2017 U1 aurait dû dégazer, produisant une queue et une chevelure cométaire.
Ce ne fut pas le cas, ce qui conduisit la majorité des astronomes à penser que C/2017 U1 était en fait un astéroïde et surtout un astéroïde d'origine interstellaire. Sa forme allongée, vraiment atypique, évoquait irrésistiblement le fameux roman de hard science-fiction d'Arthur Clarke : Rendez-vous avec Rama. Bien que l'hypothèse soit très improbable, il ne coûtait pas grand-chose de tenter d'étudier d'éventuelles émissions de messages radio dans la cadre du programme Seti, au cas où 'Oumuamua aurait été une sonde extraterrestre. Les résultats ont été négatifs comme on le sait.
Mojo, pour Modeling the origin of jovian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses. On les doit à deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Dans cette vidéo, une hypothèse concernant l'origine de 'Oumuamua est expliquée. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat
'Oumuamua, un fragment de planétésimal de nature cométaire ?
Les chercheurs ont continué d'étudier l'objet d'abord renommé A/2017 U1 puis finalement 1I/2017 U1 pour indiquer qu'il était le premier astéroïde interstellaire d'origine incontestable. Il a aussi été baptisé plus affectueusement `Oumuamua, qui se prononce « oh-mou-ah-mou-ah », ce qui signifie « scout » en hawaïen. Les travaux théoriques ont également cherché à rendre compte de l'étrange forme allongée de 1I/2017 U1, de son origine probable et ont tenté d'évaluer à quelle fréquence le Système solaire était visité par de tels objets interstellaires.
Un des articles sur la question (en accès libre sur arXiv) est signé de l'astronome Sean Raymond du Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux (connu pour ses travaux sur les migrations planétaires et l'origine de l'eau de la Terre via le scénario du « Grand Tack » avec ses collègues Philip J. Armitage (connu pour ses travaux et son livre sur la formation des systèmes planétaires), et Dimitri Veras, qui a travaillé sur le destin final des systèmes planétaires.
Un schéma expliquant la théorie de l'origine de 'Oumuamua proposée par Sean Raymond, Philip Armitage et Dimitri Veras. © Sean Raymond
Les trois astronomes avançaient, calculs à l'appui, que `Oumuamua était probablement un fragment d'un planétésimal (un petit corps céleste de quelques kilomètres à quelques dizaines de kilomètres qui se forme précocement lors de la naissance d'un système planétaire) de composition proche de celle des comètes, détruit par son passage trop près d'une planète géante dans un système planétaire en formation, comme l'explique dans la vidéo précédente Sean Raymond.
Aujourd'hui, une équipe internationale d'astronomes, dirigée par Marco Micheli, de l'Esa, et Karen Meech, de l'université d'Hawaï (qui participé à la découverte ainsi qu'à la caractérisation de 1I/2017 U1 en 2017) vient de publier un article dans Nature qui accrédite l'hypothèse proposée par Raymond, Armitage et Veras.
Les astronomes ont découvert qu’`Oumuamua, le premier bolide interstellaire découvert au sein du Système solaire, s’éloigne du Soleil plus rapidement qu’estimé. Grâce aux données acquises par le VLT de l’ESO et le télescope spatial Hubble (Nasa-ESA), une équipe de chercheurs a conclu qu’`Oumuamua traverse vraisemblablement une phase de dégazage – suggérant que cet énigmatique nomade interstellaire s’apparente davantage à une comète qu’à un astéroïde. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Eso
'Oumuamua, un corps céleste qui dégaze comme une comète atypique
Les mesures astrométriques fournies par le CFHT, VLT et le télescope Hubble ont permis une bonne caractérisation de la trajectoire de 'Oumuamua. À la surprise des astronomes, l'astéroïde interstellaire ne se comportait pas comme si il était très majoritairement soumis à la force de gravitation du Soleil et des planètes du Système solaire. Sa vitesse, 114.000 km/h au début du mois de juin 2018, est très légèrement plus grande que prévue par les lois de la mécanique céleste (même en faisant intervenir les effets de la relativité générale) et les forces impliquées.
Les chercheurs se sont mis à envisager plusieurs hypothèses, comme la nécessité de prendre en compte différemment la pression du rayonnement solaire ou l'effet Yarkovsky, voire de considérer que 1I/2017 U1 soit un corps magnétisé en interaction avec le vent solaire (l'astéroïde 9969 Braille est connu pour ce phénomène). Mais la seule qui semble coller aux observations est celle d'un faible dégazage du même type que celui d'un objet cométaire.
Mais pourquoi n'observe-t-on pas de chevelure ni de queue ? Probablement parce que la surface de 'Oumuamua aurait déjà perdu les grains de poussières les plus fins lors de son voyage interstellaire, ne laissant plus pour le dégazage que les plus gros (Sean Raymond, Philip Armitage et Dimitri Veras pensent eux que ce sont de nombreux passages de 'Oumuamua proche de son étoile d'origine qui l'ont fortement appauvri en ses éléments volatiles de surface). L'émission de lumière de ces grains ne se faisant pas dans le domaine où l'on observe habituellement les comètes, cela expliquerait pourquoi 1I/2017 U1 ne se comporte pas comme attendu.
Il pourrait donc bien être une comète, bien qu'atypique.
Reste que, comme l'explique Olivier Hainaut, astronome à l'Eso et membre de l'équipe qui a publié dans Nature, « la véritable nature de cet énigmatique objet interstellaire pourrait demeurer mystérieuse. La récente détection de l'augmentation de vitesse d'`Oumuamua complexifie la détermination de la trajectoire empruntée depuis son étoile hôte ».
Publier le 30 juin 2018
Source web par : futura-sciences
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