Le point chaud de La Réunion révèle la géologie de la Terre primitive
Une relique de la Terre primitive se cache sous La Réunion. Cette île volcanique est installée au-dessus d'un point chaud qui, selon des chercheurs, daterait de la prime jeunesse de notre planète. Il serait le reflet d'une anomalie tapie à l'intérieur du manteau qui aurait persisté pendant quatre milliards d'années.
Les points chauds, lieux de remontées de magma au beau milieu des plaques, seraient alimentés par des panaches prenant source dans le manteau inférieur. La composition des laves des points chauds est effectivement différente de celle des volcans de subduction situés à la frontière des plaques et ces remontées sont donc des régions particulières.
Dans le cas de l'île de La Réunion, le point chaud responsable du volcanisme effusif du Piton de la Fournaise serait encore plus exceptionnel puisqu'il puiserait son magma d'une région du manteau formée 4,39 milliards d'années (Ga) plus tôt et restée isolée depuis. Cette « poche », rescapée de la différenciation de la Terre primitive en couches successives (noyau, manteau, croûte), aurait échappé à l'homogénéisation du manteau et conserverait donc la composition chimique de l'époque.
Les chercheurs ont relevé des valeurs anormales du rapport isotopique des éléments néodyme-142 sur néodyme-144 dans les roches volcaniques de l'île. Elles trahissent l’ancienneté du point chaud de La Réunion. Celui-ci était autrefois situé sous le Piton des Neiges, un volcan aujourd’hui éteint d'où est prise cette image. © Bradley Peters, Carnegie Institution for Science
La source du point chaud est une hétérogénéité datant de l’Hadéen
C'est en étudiant le rapport isotopique entre le néodyme-142 et le néodyme-144 au sein des roches volcaniques réunionnaises que des chercheurs ont pu déchiffrer la nature du point chaud caché sous l'île. D'après Bradley Peters et ses collègues de la Carnegie Institution for Science de Washington et de la Scripps Institution of Oceanography, en Californie, ce rapport présente des valeurs anormales, indiquant que la composition chimique des laves de ce point chaud correspond à une hétérogénéité du manteau ancienne. Ils ont publié leur analyse dans le journal Nature.
Pendant l'Hadène, qui court de -4,5 Ga (naissance de la Terre) à -4 Ga, la planète en fusion s'est structurée en couches successives (noyau, manteau, croûte) de composition chimique différente : c'est la différenciation. Les éléments métalliques lourds, comme le fer, ont coulé au centre, tandis que le manteau riche en silicates est resté au-dessus.
Grâce aux mouvements perpétuels des masses rocheuses montant vers la surface, fondant par décompression et retombant vers le centre de la Terre, le manteau s'est homogénéisé. Un phénomène similaire s'observe encore aujourd'hui : des portions du manteau remontent au niveau des dorsales, alors que la croûte plonge dans les zones de subduction. Mais par endroits, des poches datant de l'Hadéen auraient subsisté sans se mélanger avec le reste.
C'est une hétérogénéité de ce type qui alimente le point chaud de La Réunion, comme l'illustre le rapport isotopique du néodyme-142 sur néodyme-144 mesuré dans les roches volcaniques. Les chercheurs précisent que toute différence d'abondance du néodyme-142 par rapport à ses isotopes résulte de modifications de la composition chimique du manteau ayant eu lieu dans un intervalle de 500 millions d'années après la naissance de la Terre.
En effet, le néodyme-142 est le produit stable de la désintégration du samarium-146. Cet élément radioactif à courte durée de vie (103 millions d'années), du moins à l'échelle des temps géologiques, était présent sur Terre durant l'Hadéen mais n'existe plus aujourd'hui, s'étant transformé totalement en néodyme. Donc, l'abondance de néodyme-142 ne change pas : elle est relativement la même dans toutes les roches du Globe.
Les résultats isotopiques, appuyés par des expériences en laboratoire et des modélisations, concordent pour montrer que les panaches de magma du point chaud réunionnais puisent dans une poche ancienne restée isolée, dont la composition chimique diffère du reste du manteau. Les chercheurs ont déduit que cette composition particulière serait issue d'un violent épisode de fusion du manteau de la Terre primitive.
Cette recherche éclaire d'une part les connaissances des scientifiques sur les processus géochimiques de la Terre primitive. Elle pourrait également apporter un éclairage sur d'autres anomalies du manteau, en fournissant notamment des indices pouvant expliquer la formation de super-panaches. Ces régions denses à la limite noyau-manteau, aussi appelées large low-shear velocity provinces (des régions où les ondes sismiques de type S se propagent lentement), pourraient aussi être des reliques de période de fusion du manteau primitif.
Publié le 06/03/2018
Source Web: futura-sciences
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