Comment les sous-marins de la Seconde Guerre mondiale ont aidé à prouver la tectonique des plaques
Dans les années 1950, l'idée que les continents puissent bouger semblait encore parfaitement incongrue. La théorie dominante soutenait que les montagnes s'étaient formées comme des rides lorsque la Terre avait perdu de sa chaleur et que sa surface s'était contractée.
Même les partisans de la dérive des continents étaient bien à la peine pour expliquer leur hypothèse. Ils allaient pourtant bientôt être aidés par un retour dans le passé inattendu, vers la Seconde Guerre mondiale.
Durant la guerre, l'US Navy s'intéresse de près au champ magnétique terrestre. Elle cherche notamment à y détecter de subtiles variations susceptibles de signaler la présence d'un corps métallique sous l'eau (comme un sous-marin).
En 1936, deux scientifiques allemands ont justement mis au point le premier magnétomètre à vanne de flux (magnétomètre fluxgate en anglais), où l'aiguille de la boussole est remplacée par une barre de fer enveloppée dans deux bobines.
Le dispositif est ainsi capable des mesurer des variations extrêmement faibles, de l'ordre d'un nanotesla. Mais pour utiliser ce magnétomètre dans la détection de sous-marins, il fallait qu'il soit facilement transportable dans un avion, par exemple.
C'est justement sur un telle version portable que planche depuis plusieurs années Victor Vacquier, un géophysicien du Gulf Research Laboratories, à Pittsburgh, raconte le site Science News. En 1941, l'un de ses magnétomètres à vanne de flux est testé avec succès et plusieurs versions militaires de détecteurs d'anomalie magnétique (MAD) seront utilisées par la Navy au cours de la guerre.
Tiens, tiens...
Cette dernière terminée, le magnétomètre est récupéré par les océanographes qui veulent s'en servir pour étudier les fonds marins. Dans les années 1950 et 1960, ils entreprennent de cartographier les anomalies magnétiques enregistrées dans les roches du plancher océanique.
Ils remarquent alors un curieux motif zébré, encore jamais observé sur les roches continentales. Dans ce schéma, les bandes de roche à polarité normale (alignée à celle du champ magnétique terrestre) alternent avec des bandes à polarité inversée.
Plus révélateur encore, ce motif est symétrique de chaque côté des longues crêtes sous-marines (ce que l'on nomme aujourd'hui les dorsales océaniques). Les scientifiques émettent alors l'hypothèse qu'une croûte océanique émerge à cet endroit, s'alignant ensuite sur le champ magnétique terrestre au fur et à mesure qu'elle durcit.
En 1966, une centaine de spécialistes en géophysique se réunissent pour ce qui va devenir un moment décisif dans l'histoire de la tectonique des plaques, relate Science News. Deux géologues américains présentent leurs travaux sur les anomalies magnétiques détectées un an plus tôt à bord du R/V Eltanin.
La symétrie de chaque côté des crêtes du Pacifique et de l'Antarctique est si parfaite qu'elle finit de convaincre les plus sceptiques. «Les preuves étaient écrasantes, et c'est au cours de cette conférence que la victoire de l'hypothèse de la mobilité des continents a été clairement établie», écrit en 2001 le géophysicien Xavier Le Pichon, auparavant très circonspect sur cette théorie.
Depuis, la tectonique des plaques a servi de support essentiel pour l'étude des tremblements de terre, la volcanologie, la climatologie ou l'évolution de la vie sur Terre.
Source web Par: korii.slate