De Taroudant à Tafraout, le Maroc sans les touristes (Géoparc Jbel Bani)
Factuel Au sud de Marrakech, en s’enfonçant dans le Haut Atlas, un autre Maroc se révèle. Oasis et plaine déserte, routes à lacets et petits hôtels de charme, qui, chacun, racontent une histoire.
On prend la route 203 vers Moulay Brahim, en direction de Taroudant, à l’assaut du Haut Atlas. C’est un projet de voyage simple : sortir de Marrakech, si belle et pourtant si bruyante, si polluée et comme « occupée » de touristes. Fuir surtout ce qu’elle devient : une addition croissante d’hôtels dits « de luxe » qui ouvrent les uns après les autres sans toujours convaincre – sauf peut-être de leur froide inhumanité.
Rejoindre Tafraout, pour retrouver un peu de déglingue et d’air pur, un Maroc berbère encore authentique, et dormir chemin faisant dans des hôtels indépendants, chargés d’histoire, qui ne jouent pas l’escalade des prix mais soignent l’accueil de leurs hôtes.
Vertiges montagnards et terres rouges
En roulant vers le domaine de La Roseraie, notre première étape, à Ouirgane, on est déjà tenté de s’arrêter dix fois tant la route est belle. Accrochée à 1 000 mètres d’altitude sur les contreforts du Haut Atlas, La Roseraie est une retraite 4 étoiles en pleine nature. Le confort des chambres est simple mais soigné. On est à la campagne. Touche de modernité, le spa ouvert en 2015 propose des cours de beauté marocaine. On y apprend à faire le rhassoul, une « terre à laver » naturelle qui purifie la peau.
La Roseraie, un hôtel 4 étoiles en pleine nature, à Ouirgane. DR
En 1969, Abdelkader Fenjiro, directeur général de La Mamounia de la grande époque, à Marrakech, achète ce jardin de roses à une aristocrate anglaise. Un an plus tard, il ouvre son hôtel, qui deviendra un domaine au fil des agrandissements. Contraint par l’isolement, Fenjiro forme les villageois des alentours pour en faire ce qu’il appelle des « techniciens de l’hôtellerie moderne ». Son petit paradis montagnard ne tarde pas à attirer des clients fidèles, à l’image d’Edmond Valès, peintre orientaliste et professeur d’art au lycée Paul-Valéry de Meknès.
Il faut partir, pour s’arrêter presque immédiatement au sanctuaire du rabbin Haïm Ben Diwan. Un pèlerinage s’y déroule chaque année en mai, qui attire sur ce chemin de terre rouge des juifs marocains et d’autres, venus de France et d’Israël. Ils s’y recueillent sur des tombeaux en pierre gravés en hébreu et protégés par un jardin clos, à ciel ouvert, dans une sérénité totale.
Plus loin, on atteint le petit village d’Ijoukak à l’heure du déjeuner. Une salade marocaine et un tajine de poulet coûtent 75 dirhams (6,90 euros) au bord de la route. L’odeur de sucre du thé aux feuilles d’absinthe attire les abeilles sauvages. Avec l’altitude, le paysage change, les oliviers disparaissent, les amandiers fleurissent dès le début de l’année. On traverse ce qui fut le territoire du caïd Goundafi (1855-1928), qui aida l’armée française au temps du protectorat. Sa biographie, préfacée par le maréchal Juin, parle d’« un grand Berbère », dont il ne reste que des casbahs en ruines.
Mer de palmiers et montagnes de granit rose
On laisse à gauche de la route l’enclos d’Iguer, en regrettant de ne pas aller à la rencontre des mouflons à manchettes qui y sont protégés. C’est alors qu’on atteint le sommet : le col de Tizi-N-Test, à 2 100 mètres d’altitude, porte d’entrée de la province de Taroudant. On s’arrête pour la vue, indiciblement profonde, dans laquelle se jettent les parapentistes. La descente est d’autant plus raide que la route se fait mauvaise. Une fois dans la plaine, on accède à Taroudant après d’infinies lignes droites bordées de plantations latifundiaires.
Réputé élégant, abordable et charmant, le Palais Salam, à Taroudant, n’est, hélas, plus que l’ombre de lui-même. Une partie des employés est en grève. L’eau chaude et le Wi-Fi discriminent les chambres : certaines en ont, d’autres pas. Le petit déjeuner est indigne, les piscines à l’abandon, le charme des remparts du XVIe siècle de cet ancien palais n’agit plus.
En route vers l’Anti-Atlas, à 30 km au sud-est de Taroudant, on fait un crochet vers l’oasis de Tiout. En plein désert, c’est une mer de verdure plantée de plus de 20 000 palmiers dattiers, dominée par une casbah majestueuse de l’époque saadienne. Dans la palmeraie, un double bassin d’irrigation, qui sert aussi de piscine en été, est alimenté par une source. Chez Hassan Adnane, à l’enseigne « Café-restaurant Amado », on déjeune très bien pour trois fois rien. Hassan fait aussi office de guide et d’épicier. Il explique qu’ici un paysan vit bien avec 5 hectares. « Au-delà, ce sont les capitalistes », dit-il dans un éclat de rire. Suivent des paysages de plateaux, vides de toute vie, qui semblent ne jamais finir.
A Tafraout, l'hôtel Les Amandiers, fut inauguré par le roi Mohammed V, père d'Hassan II, en 1958. DR
Après quatre heures de lacets, on découvre, émerveillé, Tafraout et la vallée d’Ameln. Ancien hôtel d’Etat inauguré par le roi Mohammed V en 1958, l’hôtel 4 étoiles Les Amandiers fait face au vaste cirque des montagnes de granit rose qui entourent la ville. Aux Amandiers, le chic du restaurant et des parties communes est indescriptible. L’expression « dans son jus » semble avoir été inventée pour cet établissement modeste et terriblement attachant. Sa piscine invite au repos, mais les gorges d’Ait Mansour, au sud, méritent de s’échapper une journée.
La progression de village en village à l’ombre des palmiers donne tout son sens à ce voyage en voiture. Les chants proprement assourdissants des oiseaux enivrent. Le spectacle est total. Dans la fraîcheur de cette vallée bordée par les montagnes arides, on se dit que cette route étroite et malaisée est sans doute une des plus belles au monde.
De Taroudant à Tafraout : carnet de route
Se loger
Domaine de la Roseraie. A Ouirgane, une retraite 4 étoiles en pleine nature de 40 chambres et suites auxquelles s’ajoutent un spa, 3 piscines et un centre équestre très bien tenu.
Chambre double à partir de 113 euros. Tél. : +212 524-48-56-94. www.laroseraiehotel.com
Dar Zitoune. A Taroudant, à cinq minutes de la Médina. Ouvert en 2003 par un couple suisse, Dar Zitoune est un 4-étoiles de 14 bungalows, 8 suites et 8 tentes caïdales « de luxe » installées dans un parc de 2 hectares.
Chambre double à partir de 90 euros. Du 1er juin au 30 septembre, formule 999 euros pour 2 personnes pendant 7 jours, transfert d’Agadir et activités compris.
Tél. : +212 528-55-11-41. www.darzitoune.com
Hôtel Les Amandiers. Ce 4-étoiles domine la ville de Tafraout et la vallée d’Ameln. Soixante chambres, un restaurant « comme dans les années 1960 » et une piscine vouée aux bains de soleil.
Chambre double à partir de 47 euros. Pension complète à 73 euros. www.hotel-lesamandiers.com
Visiter
Col de Tizi N Test. A 2 100 mètres d’altitude, Tizi N Test est la porte d’entrée de la province de Taroudant, sur la route depuis Marrakech. Niché dans un virage immédiatement après le col, l’hôtel La Belle Vue domine de façon spectaculaire la vallée du Souss. C’est aussi un point de départ en parapente. boumzough.free.fr
Oasis de Tiout. A 30 km au sud est de Taroudant, l’oasis de Tiout est encore relativement protégée. Il faut déjeuner chez Hassan Adnane, à l’enseigne « Café restaurant Amado ». Il fait aussi office de guide et d’épicier.
Gorges d’Ait Mansour. Au sud de Tafraout, cette vaste palmeraie serpente entre les montagnes. On peut dormir en pension complète chez Abou, à l’Auberge Hanane, pour 170 dirhams soit… moins de 16 euros. Randonnée guidée vers la crête et confort spartiate compris.
Réservations : +212 676 735 198 et www.facebook.com/aubergehanane
Se déplacer
Ben Badis Tours propose un 4 x 4 avec chauffeur pour 147 euros par jour, pour une à quatre personnes (être accompagné d’un Marocain facilite le voyage).
Y aller
Vol Paris-Marrakech à partir de 47 euros aller-retour avec Ryan Air. www.ryanair.com
Le 12 février 2016
Source web par : le monde
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