Planter des arbres après avoir réservé un billet d’avion ne sert à rien
le géoparc du jbel bani - tata

Vous êtes ici : Accueil > Environnement > Vulgarisation à l'environnement > Planter des arbres après avoir réservé un billet d’avion ne sert à rien

GJB

Planter des arbres après avoir réservé un billet d’avion ne sert à rien

Arrêtons de planter n'importe où et n'importe comment

Pour lutter contre son éco-anxiété, on cède facilement aux entreprises qui veulent nous faire planter des arbres. Un engagement qui peut, aussi, avoir des conséquences négatives sur l’environnement.

Lors de la réservation d’un billet d’avion, d’un passage sur un site porno ou encore lors de l’achat d’un produit de luxe, il n’est pas rare de se voir proposer de compenser ses émissions de carbone en plantant des arbres. Une fausse bonne idée, voici pourquoi.

« C’est une tendance »

Planter des arbres est souvent vu comme une façon de « reverdir » la planète et donc de limiter le dérèglement climatique, en « compensant » les émissions carbone. « C’est une tendance », reconnaît Sophie Gachet, ingénieure agronome et docteure en écologie.

À cause de la hausse des températures, l’absorption du CO2 par les arbres tend à diminuer. « Pour que la photosynthèse fonctionne, l’arbre a besoin de respirer, ce qu’il ne peut pas faire s’il a trop chaud ou qu’il fait trop sec », explique Aurélie Gousset, enseignante chercheuse en biologie végétale au laboratoire PIAF (Physique et Physiologie Intégratives de l’Arbre en environnement Fluctuant).  Les arbres sont au cœur d’un cercle vicieux climatique. Quand les températures augmentent, les arbres arrêtent de piéger du carbone. Plus précisément, leur croissance ralentit et ils ne sont plus en mesure de rejeter autant d’oxygène qu’ils le faisaient avant.

L’action de planter les arbres omet un premier élément : la temporalité. « Ce que captent les arbres aujourd’hui, ce sont nos émissions passées », continue Aurélie Gousset. « Les émissions d’aujourd’hui ne seront captées par les arbres que d’ici 15 à 30 ans. »

Greenwashing ou vraie démarche écolo ?

À cela s’ajoute le profil des arbres plantés : jeunes et de la même espèce. « En général, les plantations d’arbres proposées par les entreprises sont des monocultures », reconnaît Aurélie Gousset. « Ce qui n’est pas bon pour la diversité. »

En 2017, une étude publiée dans The Royal Society détaillait la stratégie chinoise de replantation d’arbres. « Les meilleures preuves disponibles actuellement (…) suggèrent que les gains de couverture arborée de la Chine pourraient dans une large mesure consister en des plantations de faible hauteur, clairsemées et/ou dispersées », écrivent les chercheurs.foret

Vue d’une forêt en monoculture. // Source : jplenio / pixabay

En France, le constat est le même, reconnait l’enseignante-chercheuse Sophie Gachet. « Il ne manque pas de surface forestière en France, toute la question c’est quelles espèces d’arbres plante-t-on et à quels endroits. Un data center qui se donnerait bonne conscience en plantant des arbres sans discernement, c’est du greenwashing, pas une action pour la planète. »

Autre problème avec les monocultures, elles ont tendance à brûler beaucoup plus vite. Ce qui est problématique à bien des égards. Par exemple, lors d’un incendie, les arbres qui brûlent rejettent aussi une grande partie du CO2 emmagasiné.

Le lieu de plantation change tout

S’ajoute encore une autre difficulté : l’endroit où ces plantations sont faites. De nombreuses études mettent en avant des plantations réalisées sans concertation avec les populations locales, ou alors qui sont installées dans des zones humides ou dans des prairies.

En 2021, c’est la revue Nature qui se penche sur la plantation d’arbres dans le nord de l’Inde. « Nous constatons que les plantations d’arbres n’ont pas, en moyenne, augmenté la proportion du couvert forestier et ont légèrement modifié la composition de la forêt, au détriment des variétés à feuilles larges appréciées par la population locale, rapportent les chercheurs. (…) Nous concluons que des décennies de programmes coûteux de plantation d’arbres dans cette région ne se sont pas révélées efficaces. »

Ces stratégies ont aussi pour conséquence de réduire l’espérance de vie des arbres. En 2013, une étude réalisée au Rwanda et publiée dans la revue AJOL, mettait en avant que dans les projets de plantations d’arbres, peu survivent, entre 35 et 65 %.

« Plutôt que de planter des arbres n’importe où, le mieux est d’investir dans l’entretien et la restauration des prairies et des zones humides »

Pour Aurélie Gousset, en plus de son manque d’efficacité, cette stratégie peut aussi s’avérer néfaste. « Beaucoup de ces forêts de monoculture sont plantées dans des zones jugées peu intéressantes comme les prairies ou les zones humides. Or, on sait que ces zones-là sont très efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique. En les détruisant pour planter des arbres jeunes et en monocultures, on accélère le réchauffement climatique. »

Alors que faire ? « Plutôt que de planter des arbres n’importe où, le mieux est d’investir dans l’entretien et la restauration des prairies et des zones humides », conclut Aurélie Gousset. « D’autant plus qu’il existe des écosystèmes très performants qui permettent de stocker du carbone et donc de lutter contre le réchauffement climatique, comme les tourbières ou les grandes prairies sous-marines de posidonie », ajoute Sophie Gachet. « Avant de vouloir planter [des arbres], peut-être faudrait-il mieux préserver les milieux menacés ainsi que la biodiversité. » Une façon aussi d’avoir des résultats plus rapides mais aussi et surtout plus durables.

Le 10/10/2023

Source web par : numerama

Imprimer l'article

Les articles en relation

Le réchauffement climatique perturbe-t-il le calendrier agricole ?

Le réchauffement climatique perturbe-t-il le calendrier agricole ? Les plantes sont très sensibles aux changements climatiques. En France, les dates de certaines récoltes sont déjà avancées e

Savoir plus...

2017, année la plus chaude jamais enregistrée hors El Niño

2017, année la plus chaude jamais enregistrée hors El Niño Depuis les premiers relevés de température à la fin du XIXe siècle, 2017 s'annonce comme l'année la plus chaud

Savoir plus...

Dans le sud du Maroc, des oasis ancestrales menacées d’extinction (Géoparc Jbel Bani)

Dans le sud du Maroc, des oasis ancestrales menacées d’extinction (Géoparc Jbel Bani) Au cours du XXe siècle, le pays a perdu les deux tiers de ses 14 millions de palmiers, notamment à cause de cycle

Savoir plus...

L'énergie éolienne en plein boom en Grande-Bretagne

L'énergie éolienne en plein boom en Grande-Bretagne En 2017, 15 % de l'électricité britannique provenait d'éoliennes, contre 10 % en 2016. Cette progression est liée à la f

Savoir plus...

Jason 2 à 10 ans : l'altimétrie spatiale a révolutionné notre connaissance du climat

Jason 2 à 10 ans : l'altimétrie spatiale a révolutionné notre connaissance du climat Le satellite Jason 2 fête ses 10 ans. Les missions altimétriques des satellites Jason, du CNES et de la

Savoir plus...

La biodiversité menacée par l’effet domino

La biodiversité menacée par l’effet domino L'extinction d'une espèce du fait du changement climatique peut déclencher une cascade de coextinctions. Un effet domino mis en lumière aujo

Savoir plus...

Réchauffement climatique : la bombe à retardement des nappes phréatiques

Réchauffement climatique : la bombe à retardement des nappes phréatiques Les nappes phréatiques souffrent du réchauffement climatique. Ou plutôt, devrions-nous dire : « souffriront &raqu

Savoir plus...

Repenser la Gestion de l'Eau au Maroc : Stratégies face au Stress Hydrique

Repenser la Gestion de l'Eau au Maroc : Stratégies face au Stress Hydrique Le Royaume a été durement touché par les effets combinés du réchauffement climatique et de la surexplo

Savoir plus...

CO2 dans l'atmosphère : une concentration record

CO2 dans l'atmosphère : une concentration record Avec 403 parties par million (ppm) de CO2 dans l'atmosphère en 2016, un record est battu, qui datait de plusieurs millions d'années. Pour réduir

Savoir plus...

Réchauffement climatique : y a-t-il moins de neige et de glace ?

Réchauffement climatique : y a-t-il moins de neige et de glace ? Le réchauffement climatique en cours est incontestable. Parmi ses nombreux effets, on peut se demander si la neige et la glace ont tendance à appar

Savoir plus...

Le Groenland est en train de fondre à une vitesse affolante

Le Groenland est en train de fondre à une vitesse affolante « La fonte de la calotte glaciaire du Groenland est passée à la vitesse supérieure », alerte le glaciologue Luke Trusel. Dans une &ea

Savoir plus...

Giec : le dernier rapport estime l'impact d’un réchauffement de 1,5 °C

Giec : le dernier rapport estime l'impact d’un réchauffement de 1,5 °C Lundi 8 octobre, les délégués des États de l'ONU, réunis en Corée du Sud depuis une semaine, re

Savoir plus...

Les tags en relation

Recherche du site

Recherche avancée / Spécifique

Géoparc et Recherche Scientifique

Le coins de l’étudiant

Blog Géoparc Jbel Bani

Découvrez notre escpace E-commerce


Pour commander cliquer ci-dessous Escpace E-commerce

Dictionnaire scientifique
Plus de 123.000 mots scientifiques

Les publications
Géo parc Jbel Bani

Circuits & excursions touristiques

cartothéques

Photothéques

Publications & éditions