L'art du tapis berbère (Géoparc Jbel Bani)
Le tapis a de tout temps été un élément essentiel de la vie humaine. Si les traces les plus anciennes ne remontent qu’à 2500 ans, dans les régions de Chine et d’Iran, il semble que son apparition partout sur la planète coïncide avec la fabrication des premiers vêtements. Ce revêtement de sol en laine de mouton allait peu à peu gravir l’histoire pour devenir un objet commun, usuel, mais porteur, raffiné et fier, des singularités culturelles de ses créateurs. C’est ainsi qu’au Maroc, dans les villes impériales comme dans les régions berbères, le tapis est devenu un artisanat d’art qui trouve place aux côtés des grandes traditions des tisserands d’Europe, de Perse, d’Asie et d’Orient.
Au Maroc, cet artisanat du tapis s’est développé selon deux lignées. Si les tapis fabriqués dans les villes, comme à Rabat, Fès ou Médiouna, affirment sans ambages leurs inspirations orientales apparues au sortir de la fastueuse période andalouse, quand les artisans musulmans alors présents en Espagne ont du rejoindre le Maroc, le tapis de tradition berbère semble lui inscrire ses racines dans les temps plus anciens. Des correspondances s’observent en effet entre certains motifs traditionnels et les dessins rupestres qui parsèment la région.
Moutons des massifs du Siroua - Crédit : A. Azizi
Le tapis berbère, encore appelé Azetta, est le tapis des tribus berbères. Issue d’un des trois grands ensembles berbères (Masmouda, Zénètes et Sanhadja) ou d’origine arabe bédouine, chaque tribu a élaboré au cours de son histoire et de ses pérégrinations un style particulier esthétique et technique dans le tissage de ses tapis. Plus qu’un artisanat utilitaire, le tissage est ainsi devenu l’étendard du nom de chacune de ces tribus, dans l’expression de leurs qualités respectives, leur simplicité, leur rusticité et leur sobriété, mais aussi leur vivacité faite de bonne humeur et d’une mélancolie presque naïve.
Le tapis berbère, c’est aussi celui des femmes berbères, celles des campagnes et montagnes de l’Atlas, qui de mères en filles se transmettent les techniques comme les motifs d’un langage sibyllin où se mêlent à une géométrie abstraite et énigmatique les symboles de l’écriture Tifinaghe en expression de l’identité amazighe, ou encore l’imagerie universelle des scènes de la vie quotidienne (figure animale, dessin d’oiseaux, de chameaux …). Le tissage des tapis constitue une activité vitale pour ces familles berbères de tradition pastorale qui y trouve l’une de leurs principales sources de revenus.
Enfin le tapis berbère c’est l’écho des territoires qui ont accueilli ces tribus au point de devenir au fil des années et surtout dès leur sédentarisation l’écrin de leur identité. Le découpage suivant peut être observé :
- Les tapis du moyen Atlas oriental.
- Les tapis du moyen Atlas central et oriental.
- Les tapis du haut Atlas.
- Les tapis du Djebel Siroua.
- Les tapis de l’Anti-Atlas.
- Les tapis du Haouz de Marrakech.
Les tapis du Djebel Siroua
Dans la région de Taznakhte, à 85 km de Ouarzazate, se trouve l’un des principaux sites de production de tapis berbères, celui des de la confédération des Aït Ouaouzguite. Cette ancienne tribu regroupe des populations amazighes qui habitent les régions du Haut Atlas et du Jebel Siroua au Sud d’Ouarzazate et entre Tazenakhte et Taliouine. Sédentarisés depuis longtemps, ces tribus sont composées d’un mélange de populations issues de deux des grands groupes berbères racines, les Masmouda et les Sanhadja.
Emblème du Haut Atlas, les tapis des Aït Ouaouzguite ont de tout temps été appréciés en raison de leur souplesse et de leur légèreté due à la qualité de leur laine et encore du fait de l’éclat de leurs couleurs à base de colorants naturels dont les tisseuses maîtrisent encore la technique de fabrication. Ces tapis ont une forme souvent allongée en respect des mesures des pièces d’habitation pour lesquelles ils sont destinés.
Autrefois, les femmes berbères teignaient elles-mêmes la laine en utilisant des produits végétaux et minéraux. La tradition stipulait que la tisseuse devant effectuer l’opération de teinture se purifiait préalablement en prenant un bain rituel.
- Le jaune est obtenu à partir d’une sorte de genêt appelé Achfoud qui pousse à l’état sauvage dans tout le massif du Siroua. Les fleurs jaunes de cet arbrisseau sont cueillis et séchées au soleil pour servir ensuite de colorant. Un mordant est utilisé pour fixer la couleur à la fibre laineuse. Il s’agit de l’alun, appelé localement Azarif, minerai trouvé lui aussi dans le Siroua.
- Le rouge est obtenu à partir de la garance, appelé Taroubia et qui pousse à l’état sauvage dans la région. Les racines de cette plante sont prélevées et séchées au soleil pour servir de colorant. L’alun est encore utilisé comme mordant.
- Le bleu est obtenu à partir de l’indigotier, appelé nila, et dont la tige atteint 80 cm de hauteur.
L’utilisation d’autres produits complémentaires permettaient de mieux préparer les recettes de teinture. C’est ainsi que le henné, cultivé dans la vallée du Drâa, était très souvent utilisé, tout comme l’écorce de pommier pilée, la pulpe de datte séchée, le navet, la figue séchée mais aussi les scories de forge, le noir de fumée ou de la chaux éteinte.
Les tapis les plus connus sont issus des tribus situées à lest du Siroua :
- Les tapis de la tribu des Aït Tamassine avec des bandes à trames multicolores et de grande finesse de tissage.
- Les tapis de la tribu des Aït Ougharda avec une laine très soyeuse.
- Les tapis de la tribu des Aït Makhlef avec des fonds noirs et soyeux.
Carte des tapis Aït Ouazouzguite
Les tapis Ouazguitia mobilise un large répertoire décoratif avec l’usage de nombreux symboles et motifs. Aux motifs géométriques classiques viennent ainsi se rajouter des dessins floraux ou animaliers, des figures représentant l’environnement naturel, le soleil, la lune, les étoiles.
Tapis de la tribu des Aït Tamassine
Tapis de la tribu des Aït Tamassine - 350 x 140 cm - Collection H. Crouzet - Source : Maroc Tapis des tribus - Ed : Edisud
Les tapis Ouazguitia se distingue entre eux selon la technique de tissage utilisée :
Le Tazerbite qui utilise un tissage avec nœud symétrique sur deux chaînes.
Les Hanbel qui sont travaillés en combinant trois techniques, le nouage, le tissage plat et la cordelière.
Les Zanifi qui sont des tissages plats en tapisserie et cordelière, jadis utilisés pour le transport du grain.
Tapis de la tribu des Aït Makhlef - 320 x 135 cm - Collection A. Maurières et E. Ossart - Source : Maroc Tapis des tribus - Ed : Edisud
Hanbel dit "Hanbel Glaoua" - 380 x 140 cm - Collection A. Mauzières et E. Ossart - Source : Maroc Tapis des tribus - Ed. Edisud
Source web par : sud-est Maroc
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